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10 juin 2014 2 10 /06 /juin /2014 20:43

Lecture Anaytique des 5 dernières strophes de « La Chason du Mal Aimé »

Si Guillaume Apollinaire n’avait pas décidé, presque au dernier moment, de placer deux de se plus récents poèmes, « Zone » et « Le Pont Mirabeau », en tête de son recueil Alcools, nul doute que c’est « La Chanson du Mal Aimé » qui aurait eu cette primeur. Ce poème, long de 59 quintils d’octosyllabes et renfermant des poèmes varié (le principal en italique, et 3 autres enchâssés en caractères romains), connut une longue élaboration, entre 1903 et 1909.

Il s’agit bien sûr de l’un des plus importants du recueil, aux yeux du poète qui y affirme sa figure de « mal aimé », se faisant par là l’héritier de poètes maudits (Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, au XIXe siècle, mais aussi François Villion, au XVe s, qu’Apollinaire aimait beaucoup). Il a d’ailleurs failli donné son nom à un recueil en projet en 1909, Le roman du mal aimé, est désigné comme « La romance du mal aimé » et finira donc par devenir une Chanson.

Chanson, romance, roman ? Ce qui est sûr, c’est que ce poème se définit à la fois comme un texte narratif et lyrique. Il raconte le premier échec sentimental du poète (avec Annie Pleyden), commence à Londres et se termine à Paris, et il nous chante le retour vers la ville aimée et le recours à la poésie. Aussi, nous nous interrogerons, à partir des cinq dernières strophes du poème, sur la façon dont l’errance urbaine et sentimentale du mal aimé se transforme progressivement en un poème lyrique dans lequel Apollinaire affirme son identité de Poète. Pour cela, nous consacrerons notre première partie aux différentes fonctions que prend la ville de Paris, et la seconde aux formes de lyrismes présentes dans cet extrait, qui sont d’une grande diversité.

Problématique : Comment l’errance du mal aimé se transforme en affirmation de son identité de Poète ?

I / Une errance consolatrice dans la ville moderne

  1. Paris, ville de la consolation
  2. Paris, ville de la modernité
  3. Paris, ville de l’inspiration retrouvée

II / Sous le signe d’un lyrisme divers et multiplié

  1. Une expérience personnelle
  2. Des images fortement liées à la musique
  3. Un bilan lyrique (è amant déçu mais poète accompli)

Problématique : Comment l’errance du mal aimé se transforme en affirmation de son identité de Poète ?

I / Une errance consolatrice dans la ville moderne

  1. Paris, ville de la consolation

- Comme souvent, le poème se présente comme une sorte de cycle : début et fin se font échos (en s’opposant ici, plutôt) : Londres ; demi-brume (automnale ?) Mer Rouge vs Paris, juin, Soleil.

Londres = ville de la perte et de la perdition ( voyou, regard, yeux de honte, mauvais garçon qu’on suit => égarement)

Paris = ville de la consolation, où le poète se retrouve et repart en quête (de poésie, à défaut d’amour … mais le Phénix … cf épigraphe)

Paris cité 3 fois : aux 3 1ère strophe : Paris de juin, Paris du dimanche, Paris nocturne.

« Sans avoir le cœur d’y mourir » (p 43 v 4) : juste avant, il était question de Louis II de Bavière (cf p 43 1ère strophe, juste avant) mort noyé (et suicidé) è allusion discrète à l’envie de « sauter du pont » (cf « Pont Mirabeau), mais l’attrait de la ville le retient (ou bien lui ôte toute envie, même celle de mourir ?...)

Même si la tristesse (v 3) est présente, l’envie semble reprendre progressivement le dessus, ou en tout cas, faire hésiter le poète entre 2 humeurs différentes (comme nous le verrons plus précisément dans la partie II consacrée au lyrisme). En retrouvant ce qu’il aime dans Paris (ses habitudes et la modernité), Apollinaire retrouve aussi son inspiration.

  1. Paris, ville de la modernité

- strophe 1 : couleurs chaudes et lumineuses de Juin (feux de la Saint Jean) (cf « Zone », écrit + tard mais placé avant « La Chanson » : « Soleil cou coupé ».

- strophe 2 : orgues de Barbarie : instrument qui nous paraît traditionnel, mais en tout cas populaire et en vogue à l’époque, qu’on joue dans les « cours grises » (v 8) et qu’on écoute aux « balcons » (v 9)

- strophe 4 : cafés, chants tziganes, siphons (peut rappeler, là aussi, les lieux en vogue : Montmartre et Montparnasse, où se regroupe les artistes durant la Belle Epoque – et encore dans les années 20 d’après-guerre, qu’on appellera les Années Folles)

  • évocation (en peu de mots) d’une atmosphère, d’une ambiance diurne (ennuyeuse) et nocturne chères à Apolinnaire.

( strophe 3 surtout) : tramways (transport moderne), « folie de machines » (è révolution industrielle et progrès) ; électricité è associée à du « gin / Flambant (enjambement + oxymore) : lumière et « feux verts » qui circule et anime la ville.

=> alcool(s) (eau de vie, eau de feu ; titre même du recueil), feu, lumière sont des thèmes importants (voire même récurrents) chez Apollinaire. Comme chez Baudelaire déjà, chez qui le vin était célébré (dans une section des Fleurs du Mal), car il enivre et inspire à la fois.

  1. Paris, ville de l’inspiration retrouvée

- L’image générée par les tramways est sans doute la plus forte : le rails devienne une portée musicale (cf enjambement, là encore : « portées / De rails ») et les trains deviennent des notes qui s’animent follement, « musiquent » (néologisme) et projette une lumière colorée (verte : plus celle de l’absinthe que du gin, d’ailleurs … le gin étant transparent)

- métonymie (synecdoque, pour les intimes …) : les cafés sont gonflés (de monde, en fait, qui fume) de fumée (è peut rappeler la demi-brume londonienne)

- garçons (serveurs de café) vêtus d’un pagne => image exotique

- tziganes : nomades (un peu comme notre poète errant), chantres de la Bohème (appréciés, à l’époque) ; thème lui aussi récurrent dans le recueil => cf « Saltimbanques » (p 88) , « Crépuscule » (charlatan, tours, sorciers venus de Bohême, fées, enchanteurs, nain, arlequine et arlequin = troupe de saltimbanques, là aussi), « La Tzigane » (p 98) , « Les Cloches » (v 1 p 126)

  • Les dernières strophes de « La Chanson » concentrent donc en elles des thèmes chers à la poésie d’Apollinaire.

=> La perte de l’Amour et de tout sens, la longue errance (menaçant de noyade) ont ramené le Poète à ses premières amours : après avoir erré dans les coours grises des tristes dimanches, il se retrouve dans ses chers cafés emplis de chants tziganes, et retrouve tout son lyrisme, d’une forme multiple et variée …

II / Sous le signe d’un lyrisme divers et multiplié

  1. Une expérience personnelle

- Dès l’épigraphe, forte présence du « je » (v 1), référence à une date précise (1903) qui correspond à une étape importante de la vie d’Apollinaire (1ère déception amoureuse) et mention d’une mélodie (« je chantais »)

- Tout cela se retrouve encore à la fin : « mes doigts », « J’erre », « que j’ai tant aimée », « Moi qui sais » + interpellation répétée à la femme aimée « toi toi », comme s’il s’agissait de dire adieu, et d’évoquer le souvenir une dernière fois (cf Passé Composé = action accomplie ; l’amour est fini => on peut passer à autre chose (ou un autre) ) è l’expérience personnelle traverse tout le poème.

- Dans les strophes 2 et 3, pas d’indices de personnes, mais, comme dans les autres strophes, l’expression des sentiments personnels est bien présente, à travers la description évocatrice du paysage. MAIS, là où les Romantiques fusionnaient avec un paysage naturel, la « poésie nouvelle » et moderne puise ses images dans un paysage urbain :

- les orgues de Barbarie « sanglotent », les fleurs « aux balcons » penchent (signe de tristesse), les « cris » (chants) tziganes sont tristes, eux aussi ; mais également beaux et envoûtants.

- Mais ici, bien sûr, chaque sentiment éprouvé est lié à la musique : le lyrisme doit donc s’entendre dans tous les sens, et il est omniprésent.

  1. Des images fortement liées à la musique

Le soleil (rappelant Apollon) est une « ardente lyre » sur laquelle Apollinaire se « brûle » les « doigts endoloris » (comme Orphée qui, après sa descente aux Enfers, pleure en chantant son amour perdu)

« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux

J’en connais d’immortels qui sont de purs sanglots » (Musset)

Le « délire » poétique (et élégiaque » est donc tout aussi « Triste » que « mélodieux »

- Bcp de références à la musique, dans chaque strophe : « lyre » ; « orgues de Barbarie », « musiquent », « cris » (chansons en fait, qui souvent crient la douleur de « l’amour ») « tziganes », et bien sûr, la dernière strophe.

=> si le lyrisme de la douleur demeure (mais, sans doute, s’estompe peu à peu), le lyrisme musical, lui, se démultiplie et se répand, sur Paris comme sur le poème.

Et, ultime forme de lyrisme, la dernière strophe sonne comme un retour, le refrain d’une « Chanson », justement, puisqu’elle apparaissait déjà (p 33) à la strophe 19 du poème. D’ailleurs, elle dresse également une sorte de bilan lyrique et poétique du poème tout entier, et de son auteur, qui y affirme son identité de Poète (bien aimé …)

  1. Un bilan lyrique (è amant déçu mais poète accompli)

Pour finir, après avoir 2 fois prononcé un « toi » (en guise d’adieu ?...), le « Moi » s’affirme dès le début de la dernière strophe, et énumère tout ce que « (je) sais » (= des textes que le Poète a appris seulement, ou qu’il a composé lui-même ? sans doute un peu des deux …)

- des lais (remarquez, dans ce 1er vers, l’assonance en « è ») : au Moyen Âge, correspondait à un récit accompagné de musique (cf les Lais de Marie de France, notamment) ; mais peut aussi faire penser au Testament de François Villion, qu’on appelait alors le Legs (et qui pouvait avoir la même orthographe, celle-ci étant bien plus libre que de nos jours … ô joie ! ^^)

- des complaintes : renvoie à la poésie élégiaque. Là aussi, à la fois du récit (histoire d’amour malheureuse, la plupart du temps) et de la mélodie, triste mais poignante.

- des hymnes : plus encore chant que récit ; mais les deux peuvent y être bien présent également

- des romances et des chansons.

  • vaste inventaire dont se revendique Apollinaire.

S’y retrouve, dans les 2 derniers vers, les mots composant le titre même du poème (un peu comme une mise en abyme, donc …)

- D’autre part, le « pour » accompagnant les groupes nominaux « reines » et « sirènes » peut s’interpréter de plusieurs manières : chantés par elles ou composés pour elles ?

- Le fait qu’il fasse référence à son poème, qu’il mentionne aussi la complainte « de mes années », et qu’il ait insérer 3 autres poèmes de natures diverses (autant de nouveaux récits et chansons) dans celui-ci nous incite bien à penser que Guillaume veut conclure en affirmant ses talents de compositeur-conteur.

- En fait, celui-ci constate (amèrement) qu’il peut servir les reines et charmer les sirènes (alors que ce sont elles qui séduisent, normalement), être aimé pour ses talents poétiques, mais que l’homme qu’il est n’a pas su retenir la femme qu’il aimait.

- Le mal aimé chante donc toute sa détresse, mais il en fait son œuvre même, et avec un grand talent !

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8 juin 2014 7 08 /06 /juin /2014 19:42

Trouvée sur le site du Lycée International (de Saint-Germain-en Laye, je suppose) de l'Académie de Versailles.

Elle est très bien faite ; je la recommande donc et remercie son auteur dont le nom n'apparaît pas.

Je crains de ne pas avoir le temps d'en faire une autre (qui ne serait pas forcément aussi bonne, d'ailleurs ... ;-) ). Alors autant, s' "inspirer" de celle-là ...

Apollinaire : Nuit rhénane

Introduction

Texte qui appartient aux 9 poèmes rassemblés sous le titre de Rhénanes ; poème qui sont inspirés par le séjour du poète en Allemagne (août 1901-août 1902), et plus particulièrement sur les bords du Rhin.

Apollinaire a découvert une source d’inspiration non seulement ds le Rhin et ses paysages, mais aussi ds les légendes germaniques (la Loreley, sirène du Rhin douée de pouvoirs enchanteurs ou maléfiques, ou les sept baigneuses du Rhin, et du romantisme allemand qui ont fait du Rhin un lieu de sortilèges – Heine- ).

Double aspect qui apparaît ds ce poème qui joue sur opposition entre réalité et légendes rhénanes.

Description (ne pas le dire ainsi, d’emblée, mais en tenir compte dans l’explication )

  • Alexandrins
  • 3 strophes + 1 vers
  • Rimes abab cbcb dede d
  • Remarque : sonnet, moins un vers
  • Rimes qui ne respectent pas toujours alternance masculines/féminines (batelier/repliées ; mirent/mourir/rire) : Apollinaire garde toujours une part de liberté.
  • Absence de ponctuation.

Titre : conjugue la nuit, espace du rêve et de l’irrationnel, moment favori des légendes fantastiques.

Rhénane renvoie au paysage du Rhin : poème sous le signe de la tension entre la réalité et la fable.

Composition : reflète la même tension :

  • 1er qu : le poète happé dans l’atmosphère fantastique des légendes du Rhin.
  • 2d quatrain : appel à une réalité quotidienne et rassurante.
  • 3ème quatrain : victoire de la magie et du fantastique
  • Dernier vers : retour au réel sur une image humoristique. Structure circulaire du verre au verre.

Registres : lyrique, fantastique et humoristique.

Ici, étude linéaire.

I- 1er quatrain : l’univers fascinant des légendes.

a)Le thème de l’ivresse

Il est présent :

  • dans le lieu : sans doute une taverne au bord du Rhin
  • Rhin célèbre aussi par vin blanc
  • Lexique verre, vin, , renforcé par « plein »
  • Vision vacillante et incertaine ; mouvement connoté par trembleur (et non tremblant : adj et non part présent, tremblement qui semble faire partie de l’essence même de ce vin), flamme, tordre, plus mouvement ondulatoire des longs cheveux.
  • Impression de mouvement vibratoire renforcé par
  • les sonorités : allitérations en v/f, et liquides l et r ;
  • le rythme ternaire du 1er vers ; enjambements sur l’hémistiche aux vers 1, 2 et 4.
b)Une atmosphère de mystère

Elle est donnée :

  • Par le moment : la nuit et sa lumière étrange : flamme, lune ; éclairage mystérieux ; mystère des nuits de pleine lune
  • Chiffre magique sept
  • Magie inquiétante
  • des cheveux trop longs (un hémistiche entier pour les évoquer)
  • de couleur étrange (lueurs macabres sous la blancheur de la lune, peuvent faire penser à des algues)
  • de ce mouvement violent et dément , tordre.
  • Impression de magie corroborée par le rythme lent
  • longueur de l’alexandrin renforcée par le double enjambement (v 2-3-4), et nombreuses consonnes nasales et voyelles nasalisées : effet d'écho tout au long de la strophe.
  • Lenteur renforcée par l ‘évocation de la « chanson lente »ds le vers 2,
c) Du réel à l’irréel

La strophe entière construite sur une mise en abyme.

  • Le « je » de poète (mon verre) et sa parole (écoutez : s’adresse à un interlocuteur, mais lequel ? nous ?) s’efface pour donner la parole à un autre narrateur
  • indéfini (un batelier) qui témoigne (raconte) d’un passé incertain : avoir vu (quand) .
  • Le poème se met donc à l’écoute d’un autre poème, qui est lui même le discours d’une hallucination présentée comme une réalité.
  • Etrange superposition du réel et de l’imaginaire née d’une ivresse nocturne.

II- 2ème strophe : l’univers rassurant du réel

a)Opposition entre les deux strophes
  • femmes/filles
  • cheveux longs et verts/ blondes aux nattes repliées : figure rassurante de la gretchen, figure d’ordre et de stabilité (regard immobile et nattes repliées)
  • geste violent (tordre)/ danser une ronde, terme aux connotations folkloriques et enfantines
  • mouvement vibratoire et incertain/ mvmt vertical (debout) et horizontalité rassurante du cercle (ronde)
  • sonorités qui martèlent la danse : lourdeur et martèlement rassurant des dentales t et d ainsi que des occlusives p et b.
  • rythme régulier des vers avec coupe à l’hémistiche.
b)Le sursaut du poète pour échapper à l’irrationnel
  • mouvement de sursaut souligné par debout, ainsi que par la reprise de parole par le poète.
  • Parole d’ailleurs injonctive : valeur injonctive du 1er mot debout, verbes à l’impératif, chantez, mettez, valeur injonctive du subj que je n’entende plus: sursaut et appel à l’aide, appel à la vie contre les forces de mort (chant et danse)
  • Appel à un univers protecteur que dessine la figure du cercle (ronde) et « près de moi » plus hyperbole (toutes les filles) : désir de surpasser l’envoûtement par la force du quotidien : plus de filles que de femmes, chant « plus haut ».
c)Fragilité de cet appel
  • Passivité du poète : parle mais n’agit pas (« mettez près de moi »)
  • Regard immobile qui connote bêtise, sans grand attrait par rapport aux sept femmes entrevues.

III la victoire de l’irrationnel

a) Amplification cosmique de l’ivresse

Elle s’étend en effet à tout le paysage :

  • du verre au Rhin ; il semble absorber toute l’ivresse potentiellement contenue ds les vignes. Ivresse rendue ds le 1er vers par rythme et sonorités :
  • répétition « le Rhin » signe de fascination et d’ivresse (voit double, ou plutôt ne peut en détacher son regard, ou bégaie sous influence de l’ivresse) ;
  • rythme : de nouveau enjambement à l’hémistiche aux vers 9 et 10
  • sonorités : jeu d’écho sur le [R) [i] [v] renforcé par le chiasme sonore « le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent » : RRIV/ VIR ; ce chiasme donne une illustration sonore du jeu des reflets.
  • En effet l’univers bascule dans l’irréel : ce n’est pas le paysage réel du Rhin et des vignobles qui est évoqué mais son reflet (se mirent, refléter).
  • Passage aussi de la « flamme » à « l’or des nuits » ; superbe métaphore lumineuse qui fait écho au titre de l’opéra de Wagner L’Or du Rhin. Passage significatif aussi du sing nuit au pluriel, amplifié par l’adj « tout » : « tout l’or des nuits ».
  • Reprise et amplification de l’idée de mouvement : « tombe en tremblant » : reprise de trembleur dans un immense mouvement de bascule, amplifié par allitération en [t] et le rythme trimètre de l’alexandrin (v 10).
c) Victoire du surnaturel
  • Annoncée par le passage de la réalité à son reflet
  • Disparition du batelier, qui appartenait à l’univers réel ; il n’en reste qu’une « voix » désincarnée ; chant lancinant et obsédant (toujours + force du présent)
  • femmes sont devenues fées
  • Chant devenu incantation, ie chant à force magique dont la puissance s’amplifie ds le temps : passage de la nuit à la saison (l’été)
  • Rythme lent renforcé par enjambement 11-12
  • Sonorités nasales et fricatives : force insinuante du chant ;
  • Echec de l’appel aux forces de vie de la seconde strophe : triomphe de forces morbides
  • annoncé par le vert des cheveux
  • et repris ds l’expression « râle mourir » aux sonorités déplaisante ; force de l’invention de terme qui connote doublement douleur et mort ; idée de souffrance souligné par sonorités en [i] particulièrement fortes à la rime.

IV- lLe dernier vers : poésie et surnaturel

a)Victoire des forces de mort
  • Eclatement du verre peut apparaître comme une victoire du maléfice, accomplissement du sortilège, qui s’empare du réel ;
  • Tournure pronominale « s’est brisé » renforce le mystère.
  • Verre qui était le premier élément de réalité évoqué ; réalité qui vole en éclats
  • structure circulaire du poème, enfermé dans ce verre, montrerait impossibilité de sortir du maléfice ?
b)Une victoire sous le signe de la dérision
  • Jeu de mots éclat de verre/éclat de rire ; comparaison fondée aussi sur bruit cristallin du verre qui se brise qui peut rappeler un rire léger. A moins qu’il ne s’agisse d’un rire maléfique. Néanmoins le poème se termine sur ce terme joyeux qui s’oppose fortement à « mourir » à la rime et semble en triompher…
  • Verre brisé peut marquer aussi un retour au réel. En effet vision est née du verre et sans doute se brise avec lui : structure circulaire du poème qui l’enferme ds un mvmt d’ivresse. C’est le seul moment dramatique du poème.
c)Du verre au vers
  • Poème qui peut s’interpréter comme jeu sur l’ambiguïté verre/vers/vert, et une métaphore sur la création poétique, un jeu et une réflexion sur la poésie.
  • Le sonnet potentiel se brise d’ailleurs sur ce vers et ne se poursuit pas : le vers se brise
  • Ivresse qui peut être métaphore de l’inspiration poétique qui puise davantage ds l’irrationnel et l’étrange et non ds des sources classiques (beauté classique des jeunes filles blondes ; opposition apollinien/dyonisiaque)
  • Ivresse poétique créatrice d’images et de termes nouveaux
  • La poésie nouvelle a une force incantatoire : elle est une force d’enchantement du monde, elle suscite une nouvelle vision du monde, supérieure à la pure évocation de la réalité.
  • Il s’agit pour le poète de voir au-delà de la réalité (non pas le Rhin mais dans le Rhin). Cf Baudelaire : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or » ; thème de l’or ici repris ; Cf « tous les mots que j’avais à dire se sont changés en étoiles » (les fiançailles).
  • Notons que ce poème est un des premiers poèmes d’Apollinaire, qui se démarque de ses premiers poèmes d’inspiration symboliste.

Conclusion

  • Poème de facture assez traditionnelle, qui combine le réel et l’imaginaire.
  • Audace néanmoins ds l’invention verbale, le jeu des images et des combinaisons rythmiques et sonores.
  • Poème qui peut être lu comme métaphore de la fonction poétique : l’inspiration doit être cherchée, au-delà de l’expérience du réel, dans la rupture avec les formes anciennes et une certaine ivresse créatrice.
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8 juin 2014 7 08 /06 /juin /2014 19:38

Lecture Anaytique de « Zone »

Problématique : Une déambulation poétique dans la ville moderne

Ou : Comment Apolinnaire fait d’une déambulation ordinaire dans Paris un manifeste poétique et l’éloge de « L’esprit nouveau »

I / L’envie de rompre avec le passé

  1. Le rejet du passé
  2. Un lyrisme différent => situation d’énonciation
  3. Un souvenir réactualisé => des éléments biographiques conjugués au présent

II / L’éloge de la ville moderne

  1. Des références à l’époque moderne de la vie parisienne
  2. Tout devient matière à poésie
  3. La modernité comme tremplin vers l’imaginaire

III / Le manifeste d’une poésie nouvelle

  1. La liberté des vers
  2. Un flux de paroles sans ponctuation
  3. Un prosaïsme poétique aux images étonnantes.
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8 juin 2014 7 08 /06 /juin /2014 19:33

Apollinaire, Alcools :

Lecture Analytique de l’extrait du poème « Les Fiançailles »

- Poème composée de 9 sections, dont les strophes ont pu changer d’ordre au cours de son élaboration. Si les 3 1ères strophes furent écrites en 1902, les autres datent de 1907-1908, période qui marque un retour à l’inspiration poétique, après un épisode stérile et douloureux consécutif de son 1er échec sentimental (avec Annie Playden).

Apollinaire y affirme son Art poétique ; ce qui rapproche ce poème de deux autres, composés vers la même époque : « Le Brasier » et « Poème lu au mariage d’André Salmon ». Et, contrairement à « La Chanson du Mal Aimé » et « Le Pont Mirabeau », il est moins question d’amour déçu ici (thème à peine évoqué ; plutôt secondaire) que de quête poétique. Celle-ci s’effectue en 3 étapes, que l’on peut qualifier d’initiatique : la perte, la quête, puis la (re)conquête.

Nous allons donc chercher à mieux comprendre, à travers les sections 3 à 5 qui constituent la partie centrale du poème, quelles figures du Poète et de la poésie sont présentes. Pour cela, nous verrons tout d’abord que la perte se traduit parr une mort symbolique qui, comme souvent chez Apollinaire, prend une dimension mystique, à la fois cosmique et divine. Puis nous nous intéresserons à la quête en elle-même, objet d’un bilan douloureux, mais traversé d’illuminations menant vers un souffle nouveau. Enfin, nous observerons la façon dont Apollinaire s’affirme en Poésie, rompant avec le passé pour accéder à une modernité assumée.

(NB : dans la suite de cette Lecture Analytique, j’appellerai strophes 1, 2 et 3 celles qui correspondent à notre extrait, et qui sont donc les strophes 3, 4 et 5 de l’ensemble du poème).

I / Une mort symbolique à dimension cosmique (et mystique)

1) Sous le signe de la mort (comme une perte de soi-même)

2) Une dimension cosmique

3) Et une dimension divine

II / Un bilan douloureux, mais illuminé

1) Regard tourné vers le passé

2) entre mort et renaissance

3) Des images empreintes de lumière

III / Vers une nouvelle poésie

1) Une feinte ignorance

2) La proclamation d’une poésie nouvelle

3) La création demande des sacrifices (= une douleur extrême qu’il s’agit de dépasser, sublimer)

I / Une mort symbolique à dimension cosmique (et mystique)

1) Sous le signe de la mort (comme une perte de soi-même)

- champ lexical de la mort très présent dans les 2 1ères strophes de notre passage ; directement : « les morts » (p 142, v 7), « cadavres » + « pourrissent » (p 143, vv 2 et 4), « mourir » (p 143, v 8)

- ou de façon + implicite : « fin du monde » (p 142, v 8) , « tourment de silence » (p 142 , v1) è pour le Poète, contribue à un vide, le comble de la perte, la mort des mots

- on pourrait aussi y voir la mort des émotions (cf v 1 p 142 ; comme en écho avec v 1 p 141 : « mépris » et absence de « pitié », d’estime envers soi-même peuvent être liés. Mais, dans la strophe 2, le poète « pleure » (p 143 v3) les jours passés, et eux-mêmes « ont pleuré avant de mourir » (p 143 v 8) è il s’agit donc de faire le deuil de son passé.

- Comme souvent chez Apollinaire, cette mort symbolique est associée à des figures mythiques : le Phoenix (p 142 v 5 « je brûle (etc) »), mais aussi ici Icare (v 4), mort d’avoir voulu approcher le Soleil de trop près. è mort et élévation, ne sont, curieusement, jamais très loin. La mort, pour Apollinaire, apparaît finalement comme une étape nécessaire vers la Transfiguration.

2) Une dimension cosmique

- Là encore, champ lexical très présent ds la strophe 1 : « étoiles » (v3 è fait écho au v2 de la p 141 « Je buvais à pleins verres les étoiles » et donc aussi au titre du recueil : Alcools è verre = vers => étoiles ; recueil = constellation d’étoile, qui peuvent guider et éclairer dans la nuit. Peut aussi faire penser au groupe de la Pléiade, poètes du XVIe siècle) ; « Icare » donc (v 4) ; « soleils » (à noter : au pluriel), « nébuleuses » (v 5). Le pluriel peut faire écho ici à l’idée de se multiplier, qu’on retrouve p 144, v 8 : souvent, chez Apollinaire, la mort n’est pas une fin en soi (p 142 , vv 8 et 9 : « fin du monde ») : elle transforme, par le biais d’une alchimie mystique è si le Corps disparaît, comme balayé par « un ouragan » (p 142 , v 9), l’Esprit, quant à lui, se disperse, se multiplie et se répand sur le monde, comme s’il le recouvrait tout entier, ou bien qu’il fusionnait avec lui.

Cette fusion métaphysique (= au-delà, au-dessus de ce qui est physique) peut déjà faire penser à une alliance, comme des fiançailles (ce qui, alors, rappelle bien sûr le titre-même de ce poème.

Alors Apollinaire se fait comme Apollon de l’air (Apollon-air, pour ceux qui n’auraient pas compris) et se transfigure donc en une divinité nouvelle.

3) Et une dimension divine

Les références à la divinité, liée donc à la fusion cosmique, apparaissent de façon plus discrète, dans cette 1ère strophe.

Déjà avec l’allusion à Icare qui, en voulant s’approcher trop près du Soleil (Apollon) s’est pris pou un dieu, transgressant un interdit, et l’a payé de sa vie.

Mais surtout parce qu’il est question de « bêtes théologales » (v 6), de « morts [qui] sont revenus » (v 7) et de « fin du monde » (v 8). Cela n’est pas sans rappeler l’Apocalypse, annonce de la fin du monde (ou plutôt d’un monde), mais aussi, de par son étymologie, Bonne Nouvelle è pour qu’un nouveau monde surgisse, il faut bien que l’ancien monde (dont on est « las » ; cf « Zone ») disparaisse. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, donc, la fin du monde (porteuse d’angoisse dans nos sociétés modernes, tout imprégnées qu’elles sont encore d’un christianisme dont elles ne comprennent plus trop bien la signification profonde …) est aussi porteuse d’espoir (tout comme la promesse d’un Paradis, après la mort qui est elle-même l’objet de crainte …)

D’autre part, on peut remarquer que le « Je », présent depuis la strophe 2 du poème (entier), semble avoir changé d’identité : « m’adorer » (p 142 v 7) è c’est donc bien lui que les morts viennent « a-dorer » (on peut encore penser au Soleil) comme une divinité. C’est bien là le signe que le Poète s’est transfigurer en Dieu / prophète (annonçant la fin du monde), démiurge.

Ce qui peut s’expliquer aussi par le fait que Saint Jean est considéré comme l’auteur de L’Apocalypse, mais aussi de l’Evangile le plus célèbre (et sans doute le plus spirituel et le + important) qui commence par : « A l’origine était le verbe » è idée que Dieu a créé le Monde parce qu’il l’a nommé, par le langage. En employant les mots à sa façon, le Poète devient donc à son tour le Créateur, qui ré-invente le Monde par le pouvoir de son langage.

Tout se tient, donc.

Cependant, devenir Dieu / Sauveur du Monde n’est pas donné à tout le monde, et passe souvent par l’épreuve douloureuse de la mort …

II / Un bilan douloureux, mais illuminé

1) Regard tourné vers le passé

Dès le début de la strophe 2, le Poète annonce qu’il a eu le « courage » (= le cœur ; la volonté) de « regarder en arrière » : c’est donc un bilan qu’il s’impose.

Et lui qui dit n’avoir « plus même pitié de moi » (p 142, v 1) n’est pourtant pas exempt d’émotion (et, donc, de lyrisme) : il « pleure » (p 143 v 3) les « cadavres de mes jours » (p 143 v2) , est donc en proie au deuil de son passé ; et ses jours eux-mêmes « ont pleuré avant de mourir » (p 143 v 8).

Ce thème du temps qui passe, du passé qui s’éteint et qu’on déplore, apparaît souvent dans la poésie d’Apollinaire (cf « Le pont Mirabeau »). Mais on retrouve ici des termes présents à la fin de la « Chanson du Mal Aimé » : « tavernes » (p 143 v 8) pour « cafés gonflés de fumée dans la « Chanson » (p 43 v 46) , mais aussi « l’électricité » (p 143, v 11 ), symbole d’énergie et de lumière qui, elle aussi se diffuse, se répand, jusque dans les « soirs de Paris » è si le Poète noie son chagrin dans l’alcool (ou plutôt les alcools), il y puise aussi une énergie nouvelle, une source d’inspiration lumineuse. Le chemin de sa renaissance, en quelque sorte.

2) entre mort et renaissance

Les « cadavres des jours » « pourrissent » (p 143 v 4) avec la religion (« églises italiennes » v 4 aussi) , il en va autrement dans la nature : au milieu des « petits bois de citronniers », au contraire, ils « fleurissent et fructifient » (v 6) , donc, là encore, se multiplie è la mort, en pourrissant, se fait engrais et engendre une nouvelle forme de vie è allusion au cycle des saisons (fréquent en Poésie, surtout avec l’Automne, le Printemps et + particulièrement le moi de mai), mais qui semble ici devenir éternel (p 143 v 7 « En même temps et en toute saison »).

Cet thème de la nature se retrouve encore dans « ardents bouquets » (v 9) (qui peut faire également penser au buisson ardent de Moïse, qui lui transmet la parole divine et prophétique) et « jardin » (v 12), comme un jardin secret, intime, personnel (è lyrisme) , mais aussi une image du Paradis. Dans la strophe suivante, les « fleurs » (p 144 v 4) « redeviennent » (è c’est donc bien une renaissance) des « flammes », donc l’énergie dans laquelle le Poète (après une période stérile et silencieuse => cf p 142 v 2) va puiser à nouveau l’inspiration créatrice.

3) Des images empreintes de lumière

Comme on peut le constater, la chaleur, le feu, la lumière, sont liées à la nature (thème fréquent dans la poésie pour signifier la création poétique elle-même). Mais c’est plus particulièrement le cas encore dans la poésie d’Apollinaire.

« ardents bouquets » (p 143 v 9), « roses de l’électricité » (p 143 v 11) , « fleurs » qui deviennent « flammes » (p 143 v 4) semblent encore proches de l’imaginaire des peintres symbolistes (Gustave Moreau, Odilon Redon) qui ont souvent utiliser le jaune et l’or dans leur tableau, ou du peintre Gustav Klimt (je vous laisse aller voir), qui a composé ses plus célèbres œuvres au moment même où Apollinaire composait ses poèmes (voir plus particulièrement le baiser : de petites fleurs, dont certaines ressemblent à des étoiles dans la chevelure de la femme, se mêlent à l’or ; et les deux amoureux s’embrassent sur un tapis de petites fleurs, parsemé de boutons d’or ou de fleurs jaune s’en rapprochant) è finalement, qu’elle soit automnale ou estivale (à l’apogée de sa floraison sous le soleil), la Nature étincelle, resplendit, éclate elle-même en mille petits soleils. Tout comme les citronniers (p 143 v 5) qui eux-mêmes rappellent le(s) soleil(s), par leur forme et leur couleur.

C’est sans doute aussi la couleur qui est rappelé dans le verbe (néologisme ?...) « rouaient » (p 143 v 9), sans quoi on le comprendrait difficilement : à l’infinitif, le verbe « rouer » ne signifie que « rouer de coups » (il provient du supplice de la roue). Il fait donc jaillir le sang. Mais ici, c’est bien sûr, surtout la syllabe « rou » qui nous intéresse, et peut renvoyer à quelque chose d’ « ardent » (v 9).

De même, pourquoi évoquer une « mulâtresse » (v 10) ? (= femme née d’un parent blanc, tandis que l’autre est noir ; donc, « café au lait »). Pour faire une discrète référence à Baudelaire (qui, lui aussi « inventait la poésie »), dont Jeanne Duval, la plus célèbre de ses maîtresses, était justement une mulâtresse (et donc, sa principale Muse, ou égérie => femme aimée qui inspire le Poète) ? Ou juste pour sa couleur particulière ?...

III / Vers une nouvelle poésie

1) Une feinte ignorance

Au début de la strophe 3, Apollinaire semble implorer le pardon du lecteur, qu’il interpelle en employant l’impératif (p 144 v 1). Il fait état de son « ignorance » et précise, dans le vers suivant, qui débute de la même façon : « ne plus connaître l’ancien jeu des vers » (p 144 v 2) è « ne pas » et « ne plus » ne signifient pas la même chose !... = il a connu, mais il ne veut plus s’en souvenir.

Comme si le bilan de ses « jours passés » (« cadavres » « pourrissent ») et le « jardin de [s]a mémoire » (p 143 v 12) s’étaient dépouillés de cet héritage poétique encombrant è l’épreuve (de faire le deuil du passé), l’Iniation, conduit à ce dénuement, ce dépouillement : la Renaissance implique qu’on naisse à nouveau, nu, naïf, innocent comme l’enfant è « Je ne sais plus rien » (p 144 v 3)

- Fait écho, bien sûr, au 1er vers de « Zone » (qu’Apollinaire écrira plus tard mais qu’il a placé en ouverture de son recueil).

L’ignorance, ici, pourrait donc bien plutôt se percevoir comme un rejet volontaire, un « mépris » (cf v 1 p 141) è Le Poète maudit (par ses amis mêmes), mal aimé et incompris, est en quête de nouveauté et est parvenu au stade où il l’assume pleinement (« Je n’ai plus même pitié de moi » ; p 142 v 1 ; Remarque : on voit bie toute l’importance que prenne les 1ers vers de chaque section)

2) La proclamation d’une poésie nouvelle

- La Poésie n’est plus source de savoir, de techniques savamment employées (« Je ne sais plus rien »), mais d’émotions, de sensibilités, d’impulsion spontanée et exclusive (« j’aime uniquement »). Les « fleurs » de l’ancienne poésie reprenne toute leur vigueur et se font « flammes » ardentes (p 144 v 4) et permettent au poème d’accéder à un stade mystique, qui le rend à la fois Dieu et adorateur de ce Dieu (unique ? Jésus lui-même a d’ailleurs dit « Dieu est Amour ») : « Je médite divinement » (p 144 v 5) ; bien sûr, ici, l’adverbe de manière peut prendre deux sens è il renvoie à l’idée de Dieu, ou peut signifier « de façon sublime, extatique (c’est l’extase) »

En digne précurseur des surréalistes (qui ont pratiqué l’écriture, spontanée, parfois même sous hypnose, les cadavres exquis, le récit de leurs rêves enregistrés par écrit. Bref, exploré leur inconscient à travers toutes les expérience possibles, aussi bien individuelles que collectives. Freud et la psychanalyse sont passés par là…), il leur montre la voie (la voix ?...), après avoir longuement erré, cherché son chemin :

« Et je souris des êtres que je n’ai pas créés » (p 144 v 6) è comme s’il souriait des créatures qui échappent à leur Créateur, ou à son inconscient justement ; ou aussi, qu’il est ravi des créations venir « que je n’ai pas (encore) créés).

3) La création demande des sacrifices (= une douleur extrême qu’il s’agit de dépasser, sublimer)

Avant d’aboutir à un « ouvrage » que « j’admirerais » (p 144 v 9), après être passé par l’emploi du conditionnel « Mais si le temps venait » (v 7) ) è l’espoir est donc revenu, avec le temps à venir, contrairement au passé dont le deuil est achevé, le Poète est passé par une épreuve terrible : une véritable descente aux Enfers, évoquée juste avant le passage étudié (« Et sombre sombre fleuve » (p 141 v 15 è une fois de +, répétition d’un même terme et allusion au mythe d’Orphée, qui a dû franchir le Styx, fleuve des Enfers, et est descendu jusqu’aux Enfers pour y retrouvé l’être aimé (Eurydice), à nouveau espéré, mais, en fin de compte, à jamais perdu …).

Il a côtoyé les morts (« Les ombres qui passaient n’étaient jamais jolies » ; p 141 v 16), les cadavres des jours, les amours passés, les fantômes de sa vie et leurs impasses peut-être ? (celle du labyrinthe d’où s’est échappé Icare, avant de chuter de façon plus terrible), mais espère une « ombre enfin solide » (p 144 v 7), comme si ce qui lui avait échappé jusqu’alors allait un jour se (re)constituer, se réaliser, se concrétiser à travers son ouvrage, et « se multipli(er) en réalisant la diversité formelle de mon amour ».

Ici, l’amour correspond moins à la femme aimée qu’à la Poésie elle-même. Et cette diversité se ressent bien à travers ce Poème (vers libres, sans rimes, composition hétéroclite et étonnantes, en sections).

Tel le Phénix , oiseau (d’air et de) feu particulièrement apprécié par Apollinaire, il faut donc se brûler intensément, jusqu’à se consumer entièrement, se disperser (ou se multiplier) en cendres, pour renaître avec plus d’ardeur encore.

Descente aux Enfers, Ascension cosmique et divine, deuil et douleur, dépassement du mépris (des autres et de soi-même), « dérèglement de tous les sens » (Rimbaud).

Apollinaire semble être passé par tous les stades, tous les affres du sacrifices, comme pour mieux répondre au dernier poème

de Baudelaire à la fin des Fleurs du Mal , dans le poème « Le voyage » (qui renvoie donc au voyage final, autrement dit, à la mort) :

« Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?

Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! »

En guise d’ouverture

En gras : tous les éléments de ce poème écrit pendant la guerre à sa nouvelle maîtresse, Louise de Coligny-Chatillon ; maîtresse éphémère, avec laquelle la relation n’a duré réellement qu’une semaine environ … mais à qui, sur le front, Apollinaire à écrit d’ardentes lettres-poème d’amour).

Si je mourais là-bas...

Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur

Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or * autour de Baratier [= citronniers]

Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants

Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de cou
leur plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté

Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie

Ô mon unique amour et ma grande folie

30 janv. 1915, Nîmes.



Guillaume Apollinaire - Poèmes à Lou

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6 avril 2014 7 06 /04 /avril /2014 19:22

MARIVAUX - L’ÎLE DES ESCLAVES

LECTURE ANALYTIQUE n° 2 :

EXTRAIT DE LA SCENE 3

De la moitié de la réplique 22 ( Trivelin : « Venons maintenant à l’examen de son caractère » à la réplique 45 : « En voilà donc assez pour à présent »)

  • Le portrait satirique d’une coquette

I / Le jeu de scène du portrait : jeu de miroir et mise en abyme ( sur un rythme endiablé)

C’est Trivelin qui réclame un portrait à Cl ( r 22) : relève d’une coutume répandue au théâtre et dans les salons de la société classique (cf les célèbres portraits de Célimène dans Le Misanthrope de Molière)

- Tirades de Cléanthis ( rr 31 ; 34 + 36 ; 41 ; 43)

entrecoupées par des soupirs (soulignés) d’Euphrosine qu’elle réprouve, en tant que victime ( = spectatrice « subjective » ; impuissante face à l’affront subit, ce qui le rend d’autant plus insupportable)

et des remarques (admiratives) de Trivelin : rr 35 : «elle développe assez bien cela » ou 37 : « cette peinture-là (…) me paraît fidèle » => Trivelin apprécie les talents de satiristes de Cléanthis, qu’il juge en tant que spectateur (objectif).

Cléanthis, elle-même, justifie ses talents d’observatrice privilégiée du jeu de sa maîtresse (ds sa vie intime et quotidienne) : r 23 : « Je suis dans mon fort » ; r 31 : « J’en ai tant vu, tant remarqué » ; fin r 36 : « Nous autres esclaves, nous sommes doués contre nos maîtres d’une pénétration !... »

- Discours à la fois diégétique (Cléanthis raconte sa maîtresse dans son quotidien) (1) et mimétique (Cléanthis imite – jusque dans la caricature – les comportements ridicules de sa maîtresse) (2)

1) « Vous souvenez-vous d’un soir où vous étiez avec ce cavalier si bien fait ? » (r 41) ou « Ecoutez, écoutez, voici le plus plaisant. Un jour qu’elle pouvait m’entendre … » (r 43)

2) => « Minaudière » : on se doute que Cléanthis va reproduire (en les exagérant) ses mines.

r 31 : « (Madame se tait, Madame parle) ; elle regarde, elle est triste, elle est gaie : silence, discours, regards, tristesse et joie, c’est tout un, il n’y a que la couleur de différente » => on imagine facilement la pantomime qui accompagne cette phrase : pour mieux appuyer (et illustrer) son discours, Cl l’accompagne de gestes et de grimaces significatifs.

+ rr 34 et 36

r 41 : « Vous vous donniez des tons, des gestes de tête, de petites contorsions, des vivacités. Je riais. » ( = opposition entre la longueur de ces 2 phrases => effet de contraste saisissant)

=> discours rapportés (r 34) ( voire même dialogues rapportés : r 36 ou 41) sont aussi l’occasion de jeux de scène.

Le tout est effectué sur un rythme assez enlevé : cf rythmes binaires ou ternaires des propos ; : Cléanthis s’amuse, se prend au jeu, se laisse emporter et surenchérit. = r 31 : « Madame se tait, Madame parle ; elle regarde, elle est triste, elle est gaie » ; ou « c’est vanité muette, contente ou fâchée » ; r 41 : « (Mais vous avez la main belle ;) il la vit, la prit, la baisa. »

Le jeu semble s’accélérer à mesure que Cl s’emporte : elle s’adresse presque simultanément à l’un et l’autre de ses interlocuteurs ( r 41 : « Vous souvenez-vous … ? » ; r 43 : « Ecoutez, écoutez, voici le plus plaisant. Un jour qu’elle … »)

=> du miroir (déformant) de la coquette au « miroir de paroles » de son implacable suivante.

II / La satire ( « vaine, (…) et coquette »)

C’est aussi Trivelin donne le thème sur lequel Cl va dvper ( r 27)

= narcissique (égocentrique) et superficielle, factice

  • culte des apparences : importance du regard (et du fait d’être regardée) ; attention accordée au visage ( r 34 = « son visage peut se manifester, peut soutenir le grand jour, il fera plaisir à voir, etc) ; 36 = « que va-t-on penser du visage de Madame ? (…) + « cela veut dire : Messieurs, figurez-vous que ce n’est point moi, au moins ; ne me regardez pas, remettez à me voir ; ne me jugez pas aujourd’hui »)
  • amour-propre poussé à l’extrême (=> nbrse psce des pronoms de la 1ère personne – opposition intéressante avec l’utilisation du pronom « on » ) : not lors des disc rapportés, rr 34, 36
  • Sait habilement attiré l’attention vers elle : r 41 : les yeux grands ouverts (tt en insinuant que ceux d’une rivale sont trop petits) , les mains (« vous avez la main belle ») = séductrice (hypocrite)
  • être versatile, tout en contradictions et oppositions, qui change de masques plusieurs fois par jour : cf jeux des antithèses et énumérations par lesquels Cléanthis débute son portrait : r 31 : « Madame se tait, Madame parle »

+ les deux exemples opposés fournis par la r 43 => Euph aime entendre dire (par sa servante) qu’elle est belle, pas qu’elle est raisonnable (« c’était bien fait, car je la flattais » = ironie ; sarcasme) => vaine : soucieuse uniquement de sa beauté (qualité passagère et souvent factice …), de son apparence ; pas de ce qui pourrait constituer des richesses intérieures (plus durables et profondes ; mais qui se remarquent moins, sf par les personnes de qualité (authentiques).

III/ La coquette (sévèrement) corrigée

  • Le paraître et le faux-semblant démasqué (avec un soupçon de cruauté vindicative …)

Démarche inductive : Euphrosine = exemplaire de coquette (type)

  • cf réactions d’Euphrosine : r 29 : « N’en voila-t-il pas assez » (alors que Cl n’a pas encore réellement commencé …) ; 32 : « Je n’y saurais tenir » ; 38 : « Je ne sais où j’en suis » ; 44 : »Je ne puis en souffrir davantage » => gradation : réactions de + en + vives ; parce qu’Euph est scandalisée par l’audace de sa servante ou (surtout) par la vérité du portrait.
  • Euphrosine = l’une des trois Grâces, déesse de la Beauté ; ironie mordante : celle qui devrait être « emplie de joie » souffre, ici.
  • et réflexions (moralistes) de Trivelin. = propos insupportables car criants de vérité.
  • insiste sur le caractère nécessaire de l’expérience : « cela n’est fait que pour vous ; il faut que vous soyez présente. » ( r 25) ; ; r 22 : « portrait, qui doit se faire devant la personne qu’on peint … »
  • annonce d’emblée sa fonction morale : r 22 (suite) : « qu’elle se connaisse, qu’elle rougisse de ses ridicules, si elle en a, et qu’elle se corrige. Nous avons là de bonnes intentions, comme vous voyez. » ( Marivaux lui-même semble vouloir prendre les devants, par prudence)
  • insiste sur la pertinence du portrait : rr 35, 37 « cette peinture-là (…) me paraît fidèle » ; 42 => didascalies indiquent qu’il s’adresse directement à Euph, comme s’il s’agissait d’être sa (mauvaise) conscience ou de la diriger (mais dans un but rédempteur) ; plus encore que d’encourager Cl (en la félicitant), qui n’en a nul besoin pour poursuivre.
  • Pour corriger Euph, il faut d’abord commencer par dénoncer ses vices, ses ridicules, ses travers.

Conclusion : Le fait que nous soyons au théâtre et que Cléanthis s’amuse à jouer sa maîtresse qui passe son temps à se montrer et à jouer la comédie du paraître permet de mieux démasquer ce que le personnage de coquette a de vain et superficiel (voire même extravagant)

  • coquette prisonnière de l’image qu’elle cherche à donner aux autres (jusqu’à perdre toute identité propre => ce n’est plus qu’un type (reproductible et imitable à l’infini), un personnage de théâtre, un masque (au caractère figé)
  • pas de sentiments sincères exprimés ; toujours recouvert par l’artifice et le simulacre.
  • prolongement dans la scène 4 : Euphrosine doit reconnaître la vérité du portrait ( = se confesser revient à promettre de corriger ses fautes ?...)

Dans Le cabinet du philosophe (essai), Marivaux affirme vouloir : « Percer au travers du masque dont (les êtres) se couvrent » pour découvrir un visage authentique.

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6 avril 2014 7 06 /04 /avril /2014 19:21

L’ILE DES ESCLAVES – LECTURE ANALYTIQUE : Début de la scène 1

Du début de la pièce à « le gourdin est dans la chaloupe » (p 23)

Si Le jeu de l’amour et du hasard est sans doute la pièce de Marivaux la plus connue, parmi ses pièces à caractère sentimental, L’ile des Esclaves est, quant à elle, au premier rang de ses « comédies philosophiques », auxquelles s’ajoutent d’autres pièces se déroulant elles aussi dans une île (comme pour mieux en souligner le caractère utopique …) : La Colonie (où les femmes ont le pouvoir … aïe aïe aïe), L’île de la Raison (où la sagesse finirait par l’emporter ; inimaginable …) et La Dispute (où l’on serait retourné aux premiers âges d’une Humanité idyllique … jusqu’à ce que la Coquette s’en mêle, et transforme ce paradis perdu en enfer promis …).

Alors que, dans la première pièce citée, c’est l’Amour (de sa naissance à son épanouissement total) qui est mis à l’épreuve, dans la seconde, ce sont les relations sociales, entre maîtres et valets des deux sexes, qui sont interrogées.

Dans une pièce assez courte (puisqu’elle ne se compose que d’un seul acte, long de 11 scènes), où l’on cherche aussi bien à divertir le spectateur qu’à le faire réfléchir, il va de soi que la scène d’exposition doit, en proportion, être assez rapide et aussi efficace que possible : il s’agit en effet d’informer clairement les spectateurs, mais aussi les personnages, de la situation présente, et de ce à quoi on peut s’attendre par la suite.

[Telle est la fonction du passage que nous allons lire, à présent]

[Lecture du passage]

Afin de mieux mettre en évidence en quoi le passage [dont nous venons de lire un extrait] est caractéristique d’une scène d’exposition [comme la question posée nous invitait à l’entreprendre] nous allons donc commencer par analyser la situation de cette scène, à travers le cadre spatio-temporel mis en place et le nom des personnages. Puis nous nous intéresserons plus spécifiquement à ces personnages, et aux relations qu’ils entretiennent, car celles-ci sont, d’emblée, liées à l’intrigue [comme nous le verrons => il faut savoir ménager un peu de suspens !...]. Pour finir, nous nous arrêterons sur le caractère hybride de cette pièce qui, dès le début, semble mêler plusieurs tons, plusieurs registres et, en fin de compte, plusieurs genres, même …

AUTREMENT DIT

(pour ceux et celles qui auraient encore du mal à tout comprendre …)

I / Situation, cadre spatio-temporel et noms personnages en présence

II / La relation entre ces personnages = un retournement de situation immédiat

III / Une pièce au caractère hybride : entre comique et tragique ?...

I / Cadre spatio-temporel et personnages en présence

- Situation initiale : l’échange (sous forme de dialogue) qui a lieu entre les deux personnages indique clairement ce qui vient de se produire (= juste avant que la pièce ne commence) :

« seuls échappés du naufrage » ( réplique 5) ; « tous nos amis ont péri » (idem)

« noyés dans la mer » (r 6) ; « notre vaisseau s’est brisé contre le rocher … » (r 7 => court disc diégétique permettant surtout d’informer le spectateur de la situation – que les pers en présence connaissent déjà, puisqu’ils en ont été les témoins directs … c’est donc bien à nous (indirectement – et artificiellement) que sont destinées ces « révélations »).

Nous verrons plus loin (partie II) que cette situation va évoluer rapidement, dès cette 1ère scène…

- Lieux : Le titre même de la pièce et la toute 1ère didascalie nous renvoient à un lieu typique : « l’île » ; si l’on en croit la 2nde indication scénique, le décor fournit une indication identique : « une mer et des rochers d’un côté » ( côté Jardin, sans doute ; mais aussi le côté sauvage, qui pourrait tout aussi bien correspondre au passé proche : les personnages, échoués sur l’île, sont venus de la mer, par bateau),

« et de l’autre quelques arbres et des maisons » ( côté Cour, probablement ; le côté civilisé, qui correspondrait au présent, au futur : les personnages se dirigent vers les maisons, pour y trouver refuge ; l’île est habité, par des êtres capables de construire des « maisons », ce qui est plutôt rassurant …)

De plus, dès la 3ème réplique, le terme d’ « île » est employé par Iphicrate. Ce même personnage précisera plus tard, mais assez vite*, qu’il s’agit de « L’île des Esclaves » (r 9)

( * comment peut-il le savoir si vite ? ils viennent tout juste d’arriver, dans des conditions difficiles, n’ont encore rencontré personne ; les panneaux indicateurs n’existaient pas encore … Quel élément du décor – puisqu’il ne peut s’agir que de cela – a permis à Iphicrate d’en tirer cette déduction ?...)

- Dans cette même réplique 9, juste avant en fait, la réflexion (nostalgique/désespérée) d’Iphicrate nous permet d’opposer « L’Ile des Esclaves » à « Athènes », son lieu d’origine.

Ce nom + celui de certains pers (Iphicrate, Euphrosine, Cléanthis) font davantage référence à la Grèce Antique qu’à la période contemporaine de Marivaux.

Se pose donc le problème du cadre temporel : à quelle époque situer l’action ? (NB : les costumes pourraient servir d’indication aux spectateurs modernes. Mais, à l’époque de Marivaux, tout comme au XVIIème siècle, on avait pour habitude de jouer avec des costumes « contemporains » ( = classiques), quelle que soit l’époque représentée …Ce n’est plus souvent le cas de nos jours).

La question est de taille, car selon sa réponse, le terme « esclave » n’est pas à comprendre de la même manière … au XVIIIème siècle : « esclave » = « nègre », originaire d’Afrique, envoyé en Amérique par le biais du commerce triangulaire (cf couverture POCKET Classiques) ; en Grèce Antique, le terme est alors l’équivalent du serviteur / valet du XVIIIème siècle [ce qui indique, tout de même, que les relations sociales entre dominant (dominus = maître de la maison) et dominé ( le domestique, l’employé de maison) ont évolué, en 23 siècles !... Chouette !]

L’onomastique ( = nom des personnages) vient confirmer l’idée que la scène se situe dans l’Antiquité [voir p 89 du dossier] : Iphicrate = « le pouvoir (crate) par la force (iphi) » ; Euphrosine : « joie et plaisir » (l’une des trois Grâces de l’Antiquité) [doit-on y voir la marque d’une ironie cinglante, de la part de Marivaux : la Grâce, ici, se transforme en Coquette ?...] ; Cléanthis : klé = « gloire, renommée » ; anthos = « fleur ».

[Nous verrons plus tard, en partie III, que les noms d’Arlequin et de Trivelin renvoient à une autre époque, une autre tradition théâtrale : celle de la commedia dell arte …]

Si tel est le cas, l’île dont il est question ici revêt alors un caractère proprement utopique : [voir détails dans le dossier ; not pp 193 et suivantes] ce « non-lieu » (u-topos) renvoie à une tradition littéraire qui puise ses sources chez Thomas More, au XVI ème siècle (pour le nom) et à Platon dans l’Antiquité ( pour le concept d’un lieu imaginaire dans lequel se constitue une société idéale. C’est Platon qui, le premier, semble-t-il, a évoqué l’Atlantide … éh oui … ce n’est pas Walt Disney !...)

  • La question qui se pose alors est de savoir pourquoi Marivaux a préféré situer son action dans un lieu et un temps autres (et, pourrait-on dire, autant utopique qu’atemporel (= sans référence temporelle réelle/précise) ?

Sans doute afin de se donner toute la latitude possible pour critiquer les moeurs de son temps et pour s’amuser un peu, aussi, avec le spectateur, qui ne peut pas être dupe de la situation réelle … Pour mettre en évidence que l’Antiquité n’est ici qu’un prétexte, il suffit d’observer comment Iphicrate et Arlequin se comportent l’un envers l’autre

II / La relation entre les personnages = un retournement de situation immédiat

-La relation inégale qui lie les 2 protagonistes est établie dès les 2 1ères répliques de la pièce : Iphi désigne Arlequin par son prénom (et lui donne un ordre …), tandis qu’Arl lui répond par un adj possessif, certes, mais surtout en utilisant un substantif marquant que celui à qui il s’adresse lui est socialement supérieur => l’un n’a que son nom pour lui ; l’autre a sa fonction …

- Par contre, ds la réplique 3, c’est le pronom perso « nous » qui est utilisé => les ho redeviennent égaux face au péril ( r 5 : « nos amis ont péri » ; r 9 : « ne négligeons rien pour nous tirer d’ci. [mais tout de suite après] Si je ne me sauve, je suis perdu)

- Par ailleurs, on voit bien que les 2 hommes réagissent différemment face à la situation : Iphicrate très inquiet (cf didascalies : entrée en scène et 1ère réplique) ; Arl, quant à lui, adopte une position plus stoïque, ,non dénuée d’ironie sans doute (r 4 : « Nous deviendrons maigres, étiques, et puis morts de faim ») => peut lui importe, pourvu qu’il ne meure pas de soif !... : r8 : « reposons-nous auparavant pour boire un petit coup d’eau-de-vie. J’ai sauvé ma pauvre bouteille, la voilà ; j’en boirai les deux tiers, comme de raison, et puis je vous donnerai le reste. » [les proportions s’inverses …]

=> On constate qu’Arl sait se contenter du peu qu’il a (du moment qu’il a sa bouteille ..) tandis qu’Iphi, ayant l’habitude de posséder plus, a bien plus à, perdre.

Mais une autre raison / révélation vient encore changer la donne et nous permet de mieux comprendre encore la vive inquiétude du maître : la fin de la r 9 : « nous sommes dans l’île des Esclaves » et les explications qui s’ensuivent r 11 (=> dble énonciation : révélations utiles pour Arl comme pour les spectateurs [on peut remarquer là l’artifice : comment Iphi a pu savoir si rapidement qu’il était sur l’Ile des Esclaves ; c’est assez peu crédible, quand on y réfléchit]

En tout cas, cette révélation de la r 11 peut être considérer comme une 1ère péripétie : elle induit un renversement de situation entre les 2 pers (Arl > Iphi) et se traduit par un chgt de comportement immédiat d’Arl ( surtt à partir de la r 16 et jusqu’à la fin du passage => à détailler).

De même, Iphi, qui jusque-là donnait des ordres, se fait à présent plutôt suppliant : r 15 (« cela ne suffit-il pas pour me plaindre ? »); r 25 « je t’en prie » + phr interrogatives (rr 15,19 et 21)

III / Une pièce au caractère hybride : entre comique et tragique ?...

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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 12:28

LECTURE ANALYTIQUE N°5 : Lettre XII des Lettres Persanes

Lettres persanes : 2 persans, Usbek et Rica, partis de leur pays pour visiter la France, échangent une correspondance avec leurs amis restés en Perse. Le regard étonné que ces étrangers portent sur les mœurs occidentales permet à M. d'établir une distance ironique et d'ébranler les certitudes de ses contemporains.

Les troglodytes : dans Les lettres persanes, M. intègre une fable à valeur morale (apologue). Pour démontrer à son ami Mirza le nécessité de la justice et de la vertu, Usbek lui raconte l'histoire d'un peuple imaginaire, les Troglodytes, conduit à sa perte parce qu'il vivait dans l'égoïsme. Seules ont subsisté 2 familles vertueuses qui ont décidé d'organiser une nouvelle société qu'Usbek présente comme un modèle.

PBK : En quoi ce texte est-il un apologue ?

Plan : 1) le caractère mythique du récit ;

2) L’éloge des bons Troglodytes ( = « bons sauvages » ;

3) La portée morale (sociale, religieuse, politique) du récit : le collectif contre l’individuel è visée didactique

1) Le caractère mythique du récit : étude du cadre spatio-temporel + référence à la mythologie antique (l’Age d’Or et la pastorale virgilienne)

+

A) LE TEMPS

Le récit des Troglodytes est introduit par une formule proche de celle des contes : « Il y avait en Arabie » (lettre XI) et « il y avait dans ce pays » (lettre XII, ll.2-3) => passé lointain indéterminé

Þ degré zéro de l’histoire : tps de l’origine (« qui descendaient de ces anciens Troglodytes » - lettre XI) [ = illud tempus] puis passage d’une génaration de Troglodytes (mauvaise ; lettre XI) à une autre (bonne ; lettre XII), par l’intermédiaire de deux familles => proche du mythe antique de l’Age d’Or (cf hist de Chronos-Saturne).

Passage entre deux génération également marqué par l’emploi des tps verbaux :

  • passé simple = première génération : « périrent » (l.1) « furent les victimes » (l.1) ; « il n’en resta » (l.2)
  • presque tt le reste du récit est composé d’imparfait à valeur descriptive (et durative), sf ll. 14-17 : au moment où s’établit réellement la seconde génération ; ll. 18-21 : moment où s’institue la (nouvelle) religion
  • passé simple pour mentionner des événements définitifs (déchéance des 1ers Troglo) ou nouveaux. Imparfait, qd il s’agit d’étendre dans la durée un moment de bonheur idéal.
  1. L'ESPACE

Le lieu est également peu déterminé (« en Arabie » lettre XI ; sans doute parce que c’est un Persan –musulman- qui est censé raconter / écrire ; repris par « ce pays », lettre XII, l.3).

Le fait que les deux bons Troglo vivent « dans l’endroit du pays le plus écarté » (l. 7) semble justifier qu’ils « échappèrent aux malheurs de la Nation » (l. 2).

+ dimension à la fois symbolique et mythique du lieu : cadre pastoral (reprend le thème antique des Bucoliques de Virgile : bonheur simple des paysans et bergers près de la nature –sauvage ; harmonie entre les hommes et les animaux ; cf paradis perdu biblique)

  • champ lexical : « troupeaux » (l. 32) ; « prairie » (id) ; « bœufs » (id) ; « charrue » (id) ; « troupeaux » (l. 40)

= la seule activité humaine mentionnée est l’agriculture : « la terre semblait produire d’elle-même » (l.8)

  • « délice de la vie champêtre » (l. 36) ; « musique champêtre » (l. 22)

+ « jeunes filles ornées de fleurs » (l. 21) ; « fêtes en l’honneur des dieux » (l. 21) = rites simples ; « festins » joyeux (l. 22) ;

+ cadre idyllique ( à l’origine idylle = petit poème ou petite pièce à sujet pastoral et généralement amoureux ; XIX ème siècle : petite aventure amoureuse naïve et tendre, généralement chaste) : cf ll. 23-26.

Bonheur simple et chaste lié à la « nature naïve » (l. 23) => référence à la fois à la pastorale antique et au mythe du bon sauvage

2) L’éloge des bons Troglodytes (= bons sauvages)

. nature : deux sens : concret : « la nature ne fournissait pas moins … » (l. 38) ; abstrait : nature humaine : « nature naïve » (l. 23)

  • A/ LA VERTU comme principe de base

Nbses répétitions du terme

- ils aimaient la vertu (4)

  • La terre semblait produire d'elle-même, cultivée par ces vertueuses mains (10)
  • Toute leur attention était d'élever leurs enfants à la vertu.(12)
  • que la vertu n’est point une chose qui doive nous coûter ; qu’il ne faut point la regarder comme un exercice pénible (15)
  • Ils eurent bientôt la consolation des pères vertueux qui est d'avoir des enfants qui leur ressemblent. (17)
    - la vertu, bien loin de s’affaiblir dans la multitude, fut fortifiée, au contraire, par un plus grand nombre d’exemples. (19)

- la vertu renaissante avec un nouveau peuple et sa félicité (36)

Vertu individuelle et exemplaire => bonheur collectif

Vertu des deux patriarches = droiture du cœur

= humanité, pitié

= justice

= sollicitude commune

conséquence immédiate => ils menaient une vie heureuse et tranquille

. bonheur omniprésent : « heureux mariages » (l 15) ; « bonheur de ces Troglodytes » (l. 18) => question emphatique ; « joie » (l. 22) ; « rendre un Troglo heureux » (l. 31) ; « bonheur d’une condition toujours parée de l’innocence » (l. 36) ; « pays heureux » (l. 38)

Image d'une société simple et innocente, sereine et apaisée

  • atmosphère champêtre : les thèmes sont d'ailleurs bucoliques, idylliques (amour et nature champêtre) car la vie reste proche de la nature, naïveté et innocence Þ tableaux champêtres hérités d'une littérature latine (Virgile et Lucrèce)
  • simplicité et frugalité (= aliments, nourriture simples)

On faisait ensuite des festins où la joie ne régnait pas moins que la frugalité (ll. 22-23)

La nature ne fournissait pas moins à leurs désirs qu'à leurs besoins (l. 38)

  • Litote : significative du contentement, nécessité (vs superflu, abondance : « pas de richesses et une onéreuse abondance : de pareils souhaits étaient indignes des heureux Troglodytes » (ll. 27-28)

B) LA RECIPROCITE, sens du partage est à la base de tout.

« la cupidité était étrangère » (ll. 38-39) ; + l. 39

« troupeaux presque toujours confondus » (l. 40) + sqq

  • « Le peuple troglodyte se regardait comme une seule famille » (ll. 39-40)

+ charité et compassion également présentes dans leurs prières : ll. 29-31.

C) LA RELIGION = apport fondamental qui vient compléter une (parfaite) pratique de la vertu

la Religion vint adoucir dans les moeurs ce que la Nature y avait laissé de trop rude ((ll. 19-20)

  • conforte la tendance naturelle à la vertu, ajoute de l'humanité

Usbek / Montesquieu explique que les biens que l'on peut demander pour soi au ciel ne peuvent être des biens matériels mais des biens spirituels : ce n’était pas les richesses et une onéreuse abondance : de pareils souhaits étaient indignes des heureux Troglodytes (28-29) ; Ils n'étaient au pied des autels que pour demander la santé de leurs pères, l'union de leurs frères, la tendresse de leurs femmes, l'amour et l'obéissance de leurs enfants (30-32)

Eloge d'une religiosité simple, en relation directe avec Dieu

C'était dans ces assemblées que parlait la Nature naïve.

=> atmosphère de fête empreinte de religiosité (célébraient)

=> atmosphère artistique : art non coupé de la vie (danse/musique/chant)

  • liens profonds entre nature, bonheur et religion

« Un peuple si juste devait être chéri des dieux » (l. 18)

=> Pratique de la vertu considérée récompensée (par la nature, qui prend elle-même un caractère divin)

3) La portée morale (sociale, politique et religieuse) : l’intérêt collectif doit surpasser l’intérêt individuel.

Apologue = récit à visée didactique (cf. morale) => apologie de la vertu (et de la justice sociale)

Un nouveau monde se construit sur les débris de l’ancien, l'ancien monde est un repoussoir

Þ méchanceté et injustices (l. 1 et 2) vs bonté ; cf description des 2 bons Troglo : énumérations des vertus requises pour faire émerger une société parfaite : humanité (l. 3) ; sens de la « justice » (id) ; amour de la « vertu » (l. 4) ; « droiture de coeur » vs corruption (l. 4) ; compassion = « pitié pour la désolation générale » (ll. 4-5) ; « douce et tendre amitié » (l. 6)

  • récompensé : « La terre semblait produire d’elle-même, cultivée par de vertueuses mains » (l.8)
  • vs punition des méchants : « les troglodytes périrent par leur méchanceté et furent les victimes de leurs propres injustices (1-2) »

ils chantaient les injustices des premiers troglodytes et leurs malheurs (35-36)

là encore, morale liée à religion : « faveurs (des dieux) toujours présentes aux hommes qui les implorent » (ll. 34-35) vs « colère inévitable à ceux qui ne les craignent pas » (l. 35)

Génération nouvelle : « vertu renaissante avec un nouveau peuple » (l. 34) = nvx liens familiaux : l. 9 : amour réciproque homme-femme ; id : souci de l’éducation des enfants => « consolation des pères vertueux » = émergence d’une « union nvelle » (l. 5) « jeune peuple » (ll. 14-15) bon et heureux, car il suit les conseils des anciens (transmission des vertus)

=> cf enseignement des 2 bons Troglo (= Usbek / M.) à la génération future (= Mirza / lecteurs ) : préceptes moraux. Trois aphorismes (formule, maxime, précepte, sentence) :

  1. « l’intérêt des particuliers se trouve toujours dans l’intérêt commun » (ll. 11-12)

Une redondance souligne l'origine véritable de leur bonheur : sollicitude commune pour l'intérêt commun

2) « la vertu n’est point une chose qui doive nous coûter » (l. 12)

3) « La justice pour autrui est une charité pour nous » (l. 13)

CONCLUSION

Au lieu de développer une réflexion philosophique et politique sérieuses qui risquerait de lasser son lecteur pour défendre ses idées (pratiques de la vertu et de la justice dans la société), Montesquieu utilise une « petite histoire plaisante », inspirée du mythe antique de l’Age d’Or et du mythe (plus moderne) du bon sauvage, en confrontant deux générations successives : l’une n’ayant pour règle que l’égoïsme, ce qui la mène inévitablement à sa perte, l’autre portée vers l’altruisme, le respect « simple et naïf » envers (les) dieu(x) et la Nature.

Les thèmes de la loi et de la vertu, relatives à chq peuple / civilisation sont chers à M, puisqu’il les reprendra dans son autre chef d’œuvre, l’Esprit des lois.

Il est d’autre part intéressant de constater que la description utopique des Troglodytes se situe au début des Lettres Persanes, œuvre épistolaire qui peut être considérée elle-même comme un vaste apologue : M expose ses idées (de nature politique et sociale) à travers les lettres que sont censées s’échanger des persans visitant l’Occ et leurs amis restés à Ispahan.

On comprend que ce procédé permet à M d’établir des comparaisons entre les mœurs persanes et les mœurs européennes, comportant chacune des qualités et des défauts, tandis que l’apologue des Troglodytes servirait de référence ultime, puisque les deux générations représentent respectivement le paroxysme de la méchanceté et un modèle de vertu.

Mais M n’est pas dupe et ne cherche pas à tromper son lecteur : c’est pourquoi le monde parfait, tel qu’il en fait l’apologie, est présenté à partir d’un mythe, d’une histoire imaginaire. Mais s’il ce monde n’existe pas, il n’est pas impossible de s’y référer comme un modèle. C’est bien là la fonction même du mythe : même si l’on sait que l’histoire qu’il contient est iréelle, il contient une vérité morale qui ne devrait pas nous laisser indifférents.

"La vertu" dans L'esprit des lois (IV, 5)

La vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible. On peut définir cette vertu, l’amour des lois et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières; elles ne sont que cette préférence.

Pour Montesquieu les principes des gouvernements sont les suivants : la vertu pour la république ; l’honneur pour la monarchie ;la crainte pour le despotisme

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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 12:27

Extrait de La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette

Présentation : On peut considérer La Princesse de Clèves comme l’un des tout premiers romans historiques (puisque l’auteur, Mme de La Fayette, le publie en 1768, mais que l’histoire est censée s’y dérouler dans les dernières années du règne d’Henri II, et plus précisément en 1558-1559), mais aussi l’un des premiers roman français moderne (pour la profondeur psychologique de son personnage éponyme, et l’analyse qui en est donnée.

En effet, ce qui distingue, avant tout Mlle de Chartres (future princesse de Clèves) des autres «belles personnes » de la cour (dont Catherine de Médicis, la 1ère dame de France alors), ce sont des qualités morales au-dessus de la normale ; vertus qu’elle doit à l’éducation que lui a donnée sa mère.

C’est pourquoi le portrait qui est fait de ce personnage, juste après avoir fait le portrait de Catherine de Médicis, prend une place capitale dans le récit : il nous présente un premier aspect de l’héroïne et de ses origines, tout en laissant entrevoir comment celle-ci va se comporter, au milieu de ce monde de la Cour, qui fourmille d’intrigues, d’apparats et d’amours superficiels.

Problématique : Pourquoi un double portrait (celui d’un personnage héroïque : Catherine de Médicis ; puis celui d’un personnage fictif : La Princesse de Clèves) ?

è Pour mieux mettre en valeur les vertus de l’héroïne, dans un monde (de la Cour) où règnent les intrigues (amoureuses et politiques)

I / Le portrait d’une femme d’État : Catherine de Médicis

  1. Un éloge apparent
  2. Des critiques sous-jacentes
  3. Un personnage (historique) d’une intrigante : femme de cour et femme d’ État (= machiavélique)

II / Le portrait d’une femme parfaite ? : Mlle de Chartres

  1. Une description physique (assez stéréotypée)
  2. Une description morale (exemplaire)
  3. Les principales différences qui apparaissent entre les deux portraits

III / L’importance de l’éducation

  1. Des « peintures de l’amour » à ses dangers
  2. Un éloge de la fidélité
  3. Une vision du monde (plutôt dans l’esthétique classique) qui va à l’encontre de l’esthétique courtoise (et baroque, qui fait plutôt l’éloge de l’inconstance)
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12 janvier 2014 7 12 /01 /janvier /2014 11:10

TABLEAU RÉCAPITULATIF : LECTURES DIVERSES

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8 janvier 2014 3 08 /01 /janvier /2014 18:23

-- LECTURE ANALYTIQUE - extrait de La controverse de Valladolid

è Un débat d’idées propice à la délibération

I/ Au cœur du débat

II / Un dialogue éristique

III / Une remise en cause de l’ethnocentrisme

I/ Au cœur du débat

- dialogue : nombreux tirets ; vbs de parole (ll 3, 6, 10, etc …) ; qqs passages narratifs (ll 4-5 ; 26-27 ; 32 è pour préciser certaines attitudes (« saisit le 1er feuillet » (4-5) ) ou pensées ( « Tout cela ne le surprend pas » (32) )

- 3 personnages en présence : Sépulvéda (l 4) ; le prélat, légat du Pape (l. 3) et Las Casas (l. 10)

- Sépulvéda, philosophe (fait réf à Aristote ; l. 2), annonce la thèse qu’il va développer : l. 1 ; Las Casas la réfute (ll 10 sqq) ; le légat arbitre (ll 49-50), mais intervient aussi pour recentrer le débat (ll 23-25).

- Si chacun est censé prendre la parole tout à tour, l’échange est plutôt vif : bcp de « ! » ou de « ? » dans les répliques de Las Casas è émotion présente. (plutôt persuasif).

- Le discours de Sépulvéda est plus méthodique, organisé, énoncé froidement : « il a préparé tout un dossier » (4) ; « commence une lecture à voix plate » (26) è cherche plutôt à convaincre = laisse croire que ce qu’il dit relève d’une Vérité « indiscutable » (26-27)

II / Un dialogue éristique

- C’est Sépulvéda qui semble mener le débat : le 1er a énoncé sa thèse ; la dvp – Las Casas la réfute point par point è 2 avis totalement opposés qui, ici, se répondent « du tac au tac ».

- 1er argt de Sépulvéda : Inidiens copieurs è serviles. Las Casas répond par un contre-argument (faux prétexte d’envahisseurs), un exemple (César et la Gaule) [= déductif] et conclut par une analogie (« nous faisons de même » (15) )

- Sépulvéda en vient à énumérer tt ce qui est, selon lui, caractéristique des êtres inférieurs (ll 28-31 puis 33-36) : ignorent la technologie (28), travaillent et mangent comme des animaux (28-29), ont mauvais goût et sont hérétiques (30-31) ; innocents (33), polygames (33-35) ; manquent de bravoure (35) et ignorent la valeur de l’argent et de l’or (35-36) è causes certaines de stupidité, selon Sépulvéda (dossier à charge)

- Las Casas répond point par point : contre-arguments : inverse l’argt concernant le mépris de l’or (37-38), en fait autant pour la nourriture (40-41) , vante leur agriculture (45-46), explique pq ils n’utilisent pas d’animaux domestiques (46-47) et remet en cause la notion de goût (« grossier ») (48)

et contre-exemples (ex : « œufs de fourmi et tripes d’oiseau » (42) vs « tripes de porc et escargots » (43)

III / Une remise en cause de l’ethnocentrisme

- passage important : « attentif à cette argumentation nouvelle » (17) : ll. 19-20 (è rappelle le texte de Montaigne : la controverse lui est contemporaine …) + « ensorcelés » (19) = terme fort (pour un prélat)

- Las Casas remet +sieurs fois en cause l’ethnocentrisme (visée critique) à l’aide de questions : l. 38 ; l. 41 ; l. 48.

- Laisse même entendre que Sépulvéda peut lui aussi être ignorant sur certains points, et s’en amuse : « ne vous a-t-on pas appris » (45) ; « ignorez-vous que … » (47) è l’ignorance n’est pas d’un seul côté ; les valeurs ne sont pas les mêmes pour tous.

Paradoxe : dans ce débat, l’homme d’église se fait moins dogmatique que le philosophe. Il ne cherche pas à imposer sa Vérité, et ne fait pas de ses valeurs des lois universelles.

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