Le conte philosophique Candide présente le parcours d'un jeune homme naïf qui va parcourir le monde pour trouver les réponses aux questions métaphysiques qu'il se pose et pour retrouver Cunégonde, son amoureuse. Il est accompagné de Pangloss son mentor, un philosophe pour qui tout est pour le mieux dans le meilleur des monde.
I / 3 petits contes philosophiques en 1
II / « La petite société » ; bilan des personnages réunis pour la fin
III / « Il faut cultiver son jardin » : apologie du travail (è passage des beaux discours aux actes)
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I / 3 petits contes philosophiques en 1
Passage nettement divisible en 3 parties : le derviche ; le vieillard ; la métairie.
Chaque partie correspond à un conte philosophique : il contient une histoire (reposant sur une anecdote) et une morale (une dimension argumentative, donc)
1) Le derviche : histoire tournant autour de la pbt suivante : faut-il s’occuper du bien public ? s’informer et réagir face à l’actualité ? le derviche répond : « Non » ( « Te taire » répond-il aux questions de Pangloss, qui passe son temps à parler pour rien)
2) Le vieillard et ses vingt arpents : retenir la dimension exotique du passage (è énumération des produits cultivés par le vieillard et ses filles ; quelque chose qui rappelle l’Eldorado) ; décalage étonnant entre la quantité et le nombre (apparemment gigantesque) de ces produits, et la taille réduite du terrain è c’est cet effet de surprise qui amène la morale (è explications du vieillard rendues nécessaires ; et écoute de Candide – et du lecteur – attentive : il veut comprendre ce qui pourrait s’apparenter à un mystère / miracle). è morale à visée fortement didactique (remarquer le procédé rhétorique du rythme ternaire employé ici : « l’ennui, le vice et le besoin »)
3) La métairie : fort des ces deux premières morales (et lassé des longs discours stériles de Pangloss), Candide s’en retourne dans sa ferme et met tout son petit monde au travail ; ce qui permet d’aboutir à la morale finale, très célèbre : « il faut cultiver son jardin »
II / « La petite société » ; bilan des personnages réunis pour la fin
Comme dans toute fin de conte, le récit se clôt sur une situation finale : les personnages principaux sont réunis et la situation se fixe.
On s’aperçoit que tous ont évolué, sauf Pangloss (décidément monolithique). Les défauts de chacun se transforment en qualité grâce aux activités de chacun : Cunégonde est devenue laide, mais excellente pâtissière ; Pâquette (la servante devenue prostituée) devient une bonne brodeuse ; la vieille, malgré tous ses malheurs exposés au cours du conte (précisément aux chapitres 11 et 12) devient une bonne lingère ; frère Giroflée (stéréotype de l’homme d’église hypocrite et dépravé, que Voltaire dénonce avec son ironie coutumière) devient bon menuisier et « même » (noter ce « même », riche de sous-entendu et d’ironie) honnête homme. Et Candide, lui, n’est plus naïf : il s’affranchit de la philosophie optimiste mal véhiculée par Pangloss, gagne en autonomie et s’émancipe en se forgeant sa propre philosophie (grâce à son expérience qui s’appuie sur un vécu riche et varié, et non sur un savoir abstrait).
III / « Il faut cultiver son jardin » : apologie du travail (è passage des beaux discours aux actes)
- N’oublions pas que Voltaire s’est installé à Ferney, au moment où il écrit Candide : comme son personnage, il ne se contente plus de dire (ou écrire), mais met en application sa pensée : il tente de construire à Ferney une société idéale, mais possible (et on peut dire qu’il y parvient).
- Le « jardin » renvoie bien sûr au Paradis, thème qui traverse l’œuvre : mais après un paradis artificiel (fait seulement de mots qui cherchent à enjoliver le réel, dans le château de Thunder-Ten-Tronck, au début de l’œuvre) et un paradis trop idéal (l’Eldorado, au milieu du récit), on aboutit à un Paradis modeste, mais réalisable, à l’image de l’honnête Homme des Lumières (rappelons également la fin du « Mondain » : « Le paradis terrestre est où je suis »)
- « cultiver son jardin » est bien sûr à prendre au sens propre (= cultiver la terre, comme le vieillard et ses filles), mais aussi au sens figuré (se cultiver, soi-même, pour se créer son propre petit paradis, sur un petit coin de terre, sans trop se soucier de tous les problèmes du Monde)
Précisons que la valeur travail ne doit pas être considéré du temps de Voltaire (où les Nobles ne travaillait pas ; cette valeur est une valeur bourgeoise, mais en ce temps pré-révolutionnaire, elle est avant tout affaire de mérite) comme de nos jours.
Néanmoins, cette morale modeste convient mal à Voltaire, lui aussi, revenu de tout, après des expériences malheureuses auprès des Grands de la Terre (dont Frédéric II de Prusse) : il ne pourra s’empêcher de s’occuper des affaires du Monde, et de revêtir bientôt le costume du Grand Justicier et du 1er intellectuel, dans les Affaires Calas et du Chevalier de la Barre.