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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 12:27

Extrait de La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette

Présentation : On peut considérer La Princesse de Clèves comme l’un des tout premiers romans historiques (puisque l’auteur, Mme de La Fayette, le publie en 1768, mais que l’histoire est censée s’y dérouler dans les dernières années du règne d’Henri II, et plus précisément en 1558-1559), mais aussi l’un des premiers roman français moderne (pour la profondeur psychologique de son personnage éponyme, et l’analyse qui en est donnée.

En effet, ce qui distingue, avant tout Mlle de Chartres (future princesse de Clèves) des autres «belles personnes » de la cour (dont Catherine de Médicis, la 1ère dame de France alors), ce sont des qualités morales au-dessus de la normale ; vertus qu’elle doit à l’éducation que lui a donnée sa mère.

C’est pourquoi le portrait qui est fait de ce personnage, juste après avoir fait le portrait de Catherine de Médicis, prend une place capitale dans le récit : il nous présente un premier aspect de l’héroïne et de ses origines, tout en laissant entrevoir comment celle-ci va se comporter, au milieu de ce monde de la Cour, qui fourmille d’intrigues, d’apparats et d’amours superficiels.

Problématique : Pourquoi un double portrait (celui d’un personnage héroïque : Catherine de Médicis ; puis celui d’un personnage fictif : La Princesse de Clèves) ?

è Pour mieux mettre en valeur les vertus de l’héroïne, dans un monde (de la Cour) où règnent les intrigues (amoureuses et politiques)

I / Le portrait d’une femme d’État : Catherine de Médicis

  1. Un éloge apparent
  2. Des critiques sous-jacentes
  3. Un personnage (historique) d’une intrigante : femme de cour et femme d’ État (= machiavélique)

II / Le portrait d’une femme parfaite ? : Mlle de Chartres

  1. Une description physique (assez stéréotypée)
  2. Une description morale (exemplaire)
  3. Les principales différences qui apparaissent entre les deux portraits

III / L’importance de l’éducation

  1. Des « peintures de l’amour » à ses dangers
  2. Un éloge de la fidélité
  3. Une vision du monde (plutôt dans l’esthétique classique) qui va à l’encontre de l’esthétique courtoise (et baroque, qui fait plutôt l’éloge de l’inconstance)
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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 06:51

NB : Un problème technique m'a empêché de placer ce document sur le blog hier après-midi

En conséquence, pour vendredi, un plan très détaillé (plutôt qu'une partie entièrement rédigée) de la 3e partie me suffira.

 

 

Plan de LA de l’Extrait de Voyage au bout de la nuit de L.F. CÉLINE

   

Présentation : La guerre est un thème littéraire depuis l’Antiquité (L’Iliade d’Homère ; les Chansons de Geste au Moyen Âge). Elle permet de glorifier la bravoure et la virilité de personnages qu’on qualifie très souvent de héros. Pourtant, la guerre a changé de statut (déjà avec Voltaire, dans un célèbre épisode de Candide), et notamment après la Première Guerre Mondiale. En effet, n’étant plus seulement pratiquée par les aristocrates (assez riches pour s’acheter les équipements requis) ou par des militaires professionnels, mais par des conscrits (défendant les valeurs de la République et de la Patrie), elle a été vécue de façon traumatisante par la plupart des citoyens qui y ont participé plus ou moins malgré eux, ce qui s’est fortement répercuté dans la littérature du XXe siècle. Ainsi, dans Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline, qui a dû participer à cette guerre, en livre une vision crue et triviale, par l’intermédiaire de son personnage principal (qui lui ressemble), Ferdinand Bardamu. La guerre n’est plus exaltée, glorifiée, idéalisée, mais perçue dans toute son horreur, par des soldats qui ont peur, sont dépassé par les événements, et terrifiés par les obus qui ravagent tout sur leur passage. Dans l’extrait que nous allons étudier, nous allons donc nous demander comment la guerre est perçue par ce personnage qui a tout de l’anti-héros. Tout d’abord, à travers le dialogue qui s’établit entre un messager et son colonel, nous verrons deux conceptions totalement opposées face à la situation. Puis nous mettrons en évidence comment la guerre est dénoncée dans son atrocité et son absurdité. Enfin, nous tenterons de définir en quoi Ferdinand Bardamu est l’exemple même de l’anti-héros.

 

Problématique : Une vision de la guerre perçue à travers un anti-héros

 

 

I / Deux conceptions opposées de la guerre

 

L’émotion du messager

L’indifférence du colonel

Un dialogue de sourd

 

II / Une dénonciation de l’absurdité et de l’atrocité de la guerre

 

La froideur des officiers

Le point de vue (désinvolte) du narrateur

L’enfer du feu

 

III / Le personnage principal est un anti-héros

 

Un personnage ordinaire (au niveau de langue familier)

qui subit l’événement

et fait des réflexions mesquines

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I / Deux conceptions opposées de la guerre

 

L’émotion du messager

1er paragraphe : description du messager : il semble désorienté (« vacillant » (l 1) , « oscillait » (l 2) ; « petits cris avortés » (l 4)), reste obéissant et discipliné (« se remit au « garde-à-vous » » l 1) , « les petits doigts sur la couture du pantalon » (ll 1-2) ), mais a peur (« ses mâchoires tremblaient » (l 3) et on ne sait pas si sa sueur (ll 2-3) provient de sa peur ou du fait qu’il vient de courir.

Il est comparé à un « petit chien qui rêve » (l 4) => peut être péjoratif, mais aussi un terme appartenant au registre pathétique (presque affectueux) : montre sa fragilité face à l’horreur qu’il vient de subir ; ll 4-5 (parler ou pleurer ?) vient conforter cette présence du registre pathétique.

Les points d’exclamation qui animent ses propos (ll 14, 16 et 18) témoignent encore de son émotion (débordante).

 

L’indifférence du colonel

 

Alors que le messager annonce la mort du sous-officier Barousse, la réaction du colonel étonne : « Et alors ? » => on peut croire, dans un 1er temps , qu’il n’a pas compris.

Répète 2 fois la question (y ajoutant même un juron) => preuve que l’information ne l’intéresse pas.

S’étend sur un aspect + pratique (et + trivial) : le pain (l 21)

 

Un dialogue de sourd

- échange bref, sec (de la part du colonel)

- alors que le messager ajoute des détails (lieu (l 14) ; circonstances (l 16)), le colonel, par la répétition des « Et alors ? » marque une indifférence obstinée.

=> On peut comprendre sa réaction (la mort d’un militaire, en temps de guerre, est chose courante ; préfère s’occuper des vivants, et des hommes sous ses ordres, qui ont faim) mais aussi en être choqué (aucune émotion , aucune marque d’empathie ; indifférence totale) d’autant plus qu’elle contraste fortement avec l’émotion du messager, sans doute encore jeune, inexpérimenté ; c’est toute la différence entre le militaire de carrière ( rompu à l’exercice ; sans doute un peu désabusé) et un jeune appelé (encore plein d’innocence ; qui découvre la guerre et en est profondément choqué)

- Les 2 interlocuteurs sont trop différents pour se comprendre ; pas d’accord possible entre eux : on peut éprouver une certaine pitié pour le messager, et réprouver l’attitude du colonel.

 

 

II / Une dénonciation de l’absurdité et de l’atrocité de la guerre

 

La froideur des officiers

 

- ce court dialogue montre bien l’incompréhension des soldats face à l’attitude distante de leurs officiers. ( cf … l 18 => peut marquer le dépit du messager)

- Le colonel semble ne pas se préoccuper du sort des soldats sous ses ordres (comme ce fut souvent le cas …) ; mais l’idée qu’on se fait de lui peut être nuancée par la remarque du narrateur (à la fin de l’extrait) : « Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal » (l 39). Mais on peut aussi considérer que sa mort répare comme une injustice (on est tous égaux, face à la mort, même en temps de guerre) => « Lui pourtant aussi il était mort » (l 39)

- Le sous-officier mort (que l’on pourrait plaindre, comme le messager) semblait encore bien pire que lui : cf remarque (au discours direct) du narrateur (« une charogne en moins » l 34) + « sacrées ordures (…) comme Barousse » (l 38)

- dénonce les ordres disproportionnés (l 35) : punition exagéré face au délit mineur commis :   conseil de discipline vs boîte de conserve volée) => vouloir faire respecter la discipline de façon abusive, autoritaire (=> confine à l’absurde)

 

Le point de vue (désinvolte) du narrateur

Point de vue interne (narrateur / personnage) = c’est à travers lui (son regard, ses pensées) que l’on perçoit un aspect particulier de la guerre.

Décrit la scène de façon étonnante, marquée également par une sorte d’indifférence (engendrée sans doute par une habitude désabusée des combats quotidiens) : « Nos allemands » (l 6) (possessif semblant être une marque d’affection) ; « leurs sottises » (l 7) alors qu’ils cherchent à tuer le plus d’adversaires possibles => décalage (entre la réalité et les propos tenus) qui peut passer pour une forme d’ironie.

Comparaisons inattendues : « comme de gros paquets d’allumettes » (l 8) et, parfois, presque poétiques « comme des essaims de balles rageuses, pointilleuses comme des guêpes » (l 9) [proche d’une construction en chiasme : essaims / guêpes entourant rageuses, pointilleuses]

 

L’enfer du feu

Malgré cette désinvolture apparente, on ressent l’émotion et le traumatisme, à travers les propos du narrateur. Même si, par sa façon de raconter, il semblerait jeter un regard distancié sur une situation pourtant terrible, il est bel et bien présent, malgré lui, sur le champ de bataille (cf champ lexical du corps : l 25, pui ll 27-28).

On ressent également son émotions à travers les sensations exacerbées (celles de l’odorat, de l’ouïe et d’une vue troublée par la vue

« du feu et puis du bruit avec » (l 23) ; « la fumée me piqua les yeux » (l 30) ; « l’odeur pointue de la poudre et du soufre » (l 30)

è il ne peut pas vraiment voir ce qui se passe ; il le subit par tout son corps, ses membres => le lecteur entre pleinement en empathie avec lui (présence possible du registre pathétique ; l 29 « et puis ils me sont restés quand même mes membres »)

L’obus qui tombe sur eux n’est pas nommé, mais désigné par métonymie (« le feu » et « le bruit ») ; ce feu et ce bruit peuvent faire penser à l’Enfer : ils ravagent et envahissent tout (l 25 « plein les (…) ») et se propagent jusqu’au narrateur lui-même (« j’étais devenu du bruit et du feu mmoi-même » (l 26)

arrive brusquement, créant la rupture dans le dialogue (ll 22-23 ; « (…) ce fut tout. Après ça (…) » èmal d’autant plus terrifiant qu’il est invisible, imprévisible, imperceptible (on n’en perçoit en fait que les « résultats »,  les dégâts, lorsqu’il est trop tard pour s’en protéger)

 

 

III / Le personnage principal est un anti-héros

 

Un personnage ordinaire (au niveau de langue familier)

qui subit l’événement

et fait des réflexions mesquines

 

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25 novembre 2013 1 25 /11 /novembre /2013 18:39

Plan de LA de l’Extrait de Madame Bovary de Flaubert

   

Présentation : Madame Bovary est devenu un roman de référence dans la littérature française. Flaubert a mis 6 ans pour l’écrire, après son retour de voyage en orient, pendant lequel, grâce aux conseils de son ami Maxime Du Camp, il décide d’abandonner ses grandes envolées lyriques pour se consacrer à « un livre sur rien ». C’est-à-dire un livre sans sujet « spectaculaire » (il s’inspire, pour commencer, d’un simple fait divers), où tout se tient par la force du style.

Flaubert ne se considère pas pour autant comme un auteur réaliste : il s’inspire certes du réel (pour mieux critiquer, avec ironie, la société bourgeoise de son temps et un certain romantisme), mais sans chercher à le reproduire (pour preuve : Yonville-l’Abbaye, où se situe une partie de l’histoire, n’existe pas : Flaubert l’invente de toute pièce).

Son personnage éponyme a baigné, durant sa jeunesse au couvent, dans un romantisme de pacotille, qui lui fait rêver sa vie sans être capable de la vivre réellement. Après avoir épousé un médiocre officier de santé, Charles, et surtout après avoir passée une magnifique soirée lors d’un bal à la Vaubyessard (on est proche du conte de fée et de Cendrillon …), Emma rêve de voir se reproduire une telle soirée. Elle attend. Mais rien ne vient …

C’est pourquoi, dans le passage qui nous intéresse, le narrateur nous montre bien la différence entre la façon dont Emma idéalise la société parisienne et son morne quotidien de Province. Madame Bovary rêve d’un ailleurs qui n’existe que dans ses rêves, et méprise la réalité qui l’entoure, alors qu’elle constitue son quotidien , dont elle ne sait pas quoi vraiment faire.

En cela, Madame Bovary est représentative de nombreuses femmes de son temps. C’est pourquoi Flaubert peut écrire « Ma pauvre Bovary, sans doute, souffre et pleure dans vingt villages de France à la fois, à cette heure même. »

 

Problématique : En quoi Madame Bovary est-elle un personnage désenchanté ?

 

 

I / La vision (idéalisée) qu’a Madame Bovary de la société parisienne

 

Autour de 3 « mondes » tels que Mme Bovary les imagine ; constitués comme des tableaux (=> images). Ces trois milieux constituent l’univers mondain dans lequel Emma voudrait vivre (surtout depuis le bal de la Vaubyessard)

 

« Le monde des ambassadeurs »

 

 

 

 

ll 4-6 : décor luxueux « parquets luisants », « salons lambrissés de miroirs », « tables ovales couvertes d’un tapis de velours à crépines d’or » è luxe, éclat (apparence), magnificence (qui charme la vue et l’imaginaire) ç soutenu par : les adjectifs + accumulations de complément du nom (signifient la profusion ; le luxe s’étend dans la phrase / à perte de vue)

 

vie de château ; mobilier riche

 

« ambassadeurs » : peut faire penser au tableau d’Holbein Le Jeune (spéciale dédicace Blanche …)

« grands mystères », « angoisses » :

Clichés : espion ; relations avec le monde entier ; exotisme

 

Document (prolongement) : Les ambassadeurs d’Holbein le Jeune

 

« La société des duchesses »

 

è aristocratie d’apparat ; grand monde ; beaux quartiers ( è Balzac La duchesse de Langeais) ; milieu de la Restauration

« pauvres anges ! » : oisiveté (« pâles » ; « on se levait à quatre heures ») => affectueux (Emma) ; ironique (narrateur)

Mode ; raffinement, élégance ; luxe vestimentaire (point d’Angleterre, jupons)

Hommes : chevaliers modernes (princes charmants) ; plaisir + « futile »

Bade è station thermale è è cliché (mode) [tout le monde fait la même chose]

è è fait (volontairement penser) au futur amant d’Emma : Rodolphe Boulanger

 

 

La foule bigarrée des gens de lettres et des actrices

 

II / La réalité d’un quotidien provincial

 

Le « reste du monde » (= la province)

Le caractère répétitif des jours du quotidien

L’ennui

 

III / Madame Bovary est donc un personnage désenchanté

 

L’attente vaine (« Elle attendait un événement »)

Contraste et confusion entre ses rêves et la réalité

Un avenir sans espoir possible (« L’avenir était un corridor tout noir »)

 

 

 

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27 octobre 2013 7 27 /10 /octobre /2013 17:37

Les Liaisons Dangereuses ( extrait lettre LXXXI)

 

Présentation

«Les liaisons dangereuses» est un roman par Pierre Choderlos de Laclos. Ce roman est de type épistolaire. Il est composé de plusieurs lettres. Ici, la lettre LXXXI est étudiée. C'est une lettre de la marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, elle est située au cœur du roman. La marquise de Merteuil y révèle les fondements secrets de son pouvoir sur les hommes: les faux semblant et l'apparence.

 

I Une femme supérieure, sure d'elle et de sa valeur

omniprésence du «je» et du «moi» => accentuation de sa personne et de son orgueil et dénonce son caractère solitaire.

lexique de la science => réflexion intellectuelle.

«je me suis travaillée avec soin» (l.8) => elle travaille sur sa personne.

«je m'amusais à me montrer sous des formes différentes» => excellente comédienne.

«sure de mes gestes» => sure d'elle.

Elle se distingue des autres femmes => revendique son unicité.

«m'apprit à dissimuler»(l.4) => une femme fausse, une menteuse.

 

II Le libertinage à travers la marquise de Merteuil

«je m'amusais à me montrer sous des formes différentes» (l.12) => une femme réfléchie.

la morale est absente de son éducation.

«mes fantaisies»(l.13), «mes discours»(l.12), «ma volonté)(l.11), «ma pensée»(l.10) => elle pense par elle-même, elle ne suit que ses principes et ses propres règles.

«me cacher»(l.3), «j'étais vouée par état au silence»(l.1), «cacher des objets»(l.4), «réprimer»(l.8), «je ne montrais plus que celle qu'il m'était utile de laisser voir»(l.14), «ne pas me fier entièrement»(l.16) => confession dépourvue de mensonges, elle cache sa véritable nature.

«j'en essayai l'usage»(l.11) => c'est une manipulatrice.

 

III Les conditions de la femme sous son point de vue

«vouée»(l.1) => femme enfermée.

«chagrin»(l.7) => femme triste.

une femme «presque sans intérêt»(l.10)

La marquise se sent supérieure aux autres.

«mes discours»(l.12), «ma pensée»(l.10) => une liberté de penser.

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21 octobre 2013 1 21 /10 /octobre /2013 20:24

 

I - L'estime excessive de la Marquise de Merteuil



*Omniprésence du "je" ainsi que du "moi" : "je receuillais avec soin ceux qu'on cherchait à me cacher" l.2-3, "je m'indignais qu'on pût me la ravir ou me la surprendre contre ma volonté"l.10-11

Ceci renforce son orgeuil.



*Une forte confiance en soi : "sure de mes gestes" l.12, "mais qui en tout m'a rarement trompée" l.16, "je possédais déjà les talents" l.17

Nous avons une femme décrite comme étant prétencieuse voir même vaniteuse. Nous pouvons même croire qu'elle essaye de nous faire voir qu'elle est audessus des autres.



*Un travail sur sa personne : "je m'étudiais à prendre l'air de la sécurité, même celui de la joie" l.7, "je me suis travaillée avec les même soin & plus de peine" l.8

Elle met en valeur l'apparence qu'elle veut donner d'elle même. Le travail qu'elle fournit pour devenir une sorte de modèle pour toutes les autres femmes de son époque.



*Une femme d'expérience : "l'expérience m'a pourtant appris à ne pas me fier entierement" l.16

Elle met en valeur son expérience.



*Une femme intéressée : " cette utile curiosité" l.4

Ceci montre la curiosité de cette femme qui est de s'instruire.



* Une femme dôtée d'une certaine faculté pour saisir des informations essentielles : "j'ai su en profiter pour observer & réfléchir" l.1

Cette femme sait faire la différence entre ce qu'on lui dit et ce qu'on lui cache.





II - Le portrait de Madame de Merteuil ( un personnage libertin )



* Une femme cherchant une part de vérité dans ce qu'on pouvait lui compter : "écoutant peu à la vérité les discours qu'on s'empressait de me tenir" l.2, "je receuillais avec soin ceux qu'on cherchait à me cacher" l.5

A cette époque, les femmes etaient considérées comme quasiment inutiles, elles n'avaient pas de grande fonction dans la vie.



*Une femme temoigant la volonté de s'instruire : “m'instruire” l.5, “ je me trouvais encore qu'aux premiers éléments de la science que je voulais aquérir” l.18

Elle peut paraitre comme une femme différente des autres vis-à-vis du fait qu'elle s'instruit elle même, qu'elle pense par elle même.



*Une femme réfléchie : “ma façon de penser fut pour moi seule” l.13

Elle pense par elle même ( = caractéristiques du personnage libertin ).



III – La condition de la femme à cette époque



*Une femme condamnée à estomper sa présence : “j'étais vouée par état au silence” l.1, “m'apprit encore à dissimuler” l.4, “forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux qui m'entouraient” l.4-5.

La femme en doit donc pas faire surface, elle doit faire preuve d'une grande discrétion.



*La femme en présentant aucun intérêt : “j'étais vouée par état au silence & à l'inaction” l.1; “presque sans intérêt” l.10.

La femme est présentée comme une sorte de vulgaire objet n'ayant aucune utilité.



*Une femme trompant son apparence : “tandis qu'on me coryait étourdie ou distraite” l.2; “je ne montrais plus que celle qu'il métait utile de laisser voir” l.13-14.

Madame de Merteuil se trouve dans une situatuin délicate car la femme n'est pas considérée comme posédant des qualités dans une grande majorité de domaine. Or celle-ci est presque dans l'obligation de s'effacer et de laisser transparaitre son intelligence.



*Une femme étonnante : “j'ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelque fois si étonné” l.9.

Etonnement dû une fois de plus au faite que la femme est diminuée. Ici Madame de Merteuil vit dans une société où la femme n'arrive pas à trouver sa place.



 

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4 octobre 2013 5 04 /10 /octobre /2013 21:48

 

Extrait de René de Chateaubriand

   

Présentation : René, le personnage éponyme (qui ressemble à Chateaubriand) raconte sa vie au vieux Chactas : enfance triste dans le château paternel, avec sa sœur Amélie (proche de Lucile, la vrai sœur de François-René) ; voyages en Italie, Grèce, Angleterre. De retour en France, sa sœur l’évite, et va même jusqu’à se retirer au couvent (car elle l’aime … trop).

Solitude et ennui ; tenté par le suicide ; ne sait pas quoi faire de sa vie è émigre en Amérique, adopté par la tribu des Natchez, y rencontre Chactas.

è récit autobiographique (è besoin de s’analyser et de se dire ; annonce les Mémoires d’Outre-Tombe) èè illustre les ravages du « vague des passions » chez un jeune homme solitaire qui n’a pas l’appui de la religion è è analyse et exprime le mal-être de toute une génération (=> grand succès)

 

 

I/ Une forte présence de la nature

 

II / Plusieurs sentiments évoqués (è registre lyrique)

 

III / L’incarnation du héros romantique

 

 

I/ Une forte présence de la nature , omniprésente dans le texte

 

- Monde civilisé s’oppose à l’idéal romantique : prive l’homme du contact avec la nature, source 1ère de son inspiration, lieu idéal où s’exprime pleinement son moi, communion avec le monde ; à l’occasion de « promenades » (l 2)

- description d’un cadre naturel qui nous permet de mieux saisir l’état d’âme présent de celui qui s’y trouve (è point de vue interne : sa façon de voir nous indique sa façon de sentir son environnement)

- omniprésence de la nature : principalement la végétation (« broussailles » (l 9) ; « coin d’un bois » (id) ; « grandes bruyères terminées par des forêts » (l 14) ; « feuille séchée » (l 15) ; « arbres » (l 17), « chênes » (l 17) ; mais aussi « les vents » (l 3), « les eaux » (l 3)

- s’ajoute à cela d’autres éléments participant au décor champêtre : « cabane » (l 16) ; « clocher solitaire » (ll 18-19) è présence humaine indirecte, dans un paysage où domine cependant le sentiment de solitude (« étang désert » (l 18) è oxymore)

 

- plongée du héros dans un cadre naturel rythmé par les saisons ; saison préférée : l’automne (l 5) , autrement formulé par « mois des tempêtes » (l 6)  => temps de la mélancolie, de la nostalgie, des tempêtes è correspond au tourbillon des émotions ressenties par le héros romantique : inquiétude, désir vague et bouillant (un(e) ado, quoi !...), attente du destin, tourments du cœur

è paysage en adéquation parfaite avec ce que ressent le personnage.

 

- la présence des « oiseaux de passage » (l 20) entraîne la pensée du narrateur vers des « climats lointains » (l 21), des « régions inconnues » (l 26) è nature propice à la rêverie : le personnage construit à partir d’elle (et de ce qu’elle lui inspire) un paysage qui prend aussi une dimension onirique.

 

è sentiment de fusion avec ce type de nature (propice à la solitude : on ne sort pas dehors pendant une tempête ou une bourrasque, sauf quand on est Breton !...)

 

 

 

 

 

 

 

II / Plusieurs sentiments évoqués (è registre lyrique)

 

- Le cadre qui environne le personnage (voir (1) ) pénètre le personnage et l’inspire ; c’est ce qui lui permet de mieux exprimer ses sentiments intérieur = son moi intime

 

- « foules de sensations fugitives » (l 1); « incertitudes » (l 5) è vague des passions (inhérent au Romantisme) sentiments difficiles à exprimer (par le personnage ; mais que l’écrivain exprime pourtant …)

- sentiment de bonheur extrême : « ravissement » (l5) è comme enlevé à lui-même (et à un ordinaire souvent décevant) pour mieux s’élever vers de sentiments profonds et difficilement contrôlables

- s’y mêlent fureur guerrière et humilité du pâtre (ll 6-8) (adepte d’un bonheur simple et innocent) : emportement des passions

- rêverie (l 15) , appel du voyage, de l’exotisme ; tentation de l’inconnu : « climats lointains » (l 21) ; « régions inconnues » (l 26)

- sentiment de solitude è non pas abattement, mais exaltation : sentiment de puissance physique (cf dernières lignes) : cf antithèse « triste »  / « bonheur » (l 11) + rythme ternaire « enchanté, tourmenté et comme possédé » (ll 29-30) è crescendo : passions de + en + fortes.

 

III / L’incarnation du héros romantique

 

- cœur solitaire, vide en apparence, mais passionné, exalté : « enchanté, tourmenté et comme possédé » (ll 29-30)

- exalté au milieu d’une nature pourtant hostile pour tout autre homme (qui ne connait pas Guy Cotten) :

- « visage enflammé », chevelure ébouriffée è heureux sous la tempête (« le vent sifflant dans ma chevelure » (l 29)

- habité par des sentiments contradictoires (exaltation et mélancolie ; tourment et puissance ; triste bonheur ; joie / soupirs (l 13) )

- rêveur inspiré aux sentiments extrêmes

- être à part, qui puise sa vérité au fond de son cœur, dans un puissant rapport à l’intimité : « comment exprimer cette foule de sensations fugitives » (l 1) (alors que c’est justement ce qu’il fait tout au long du texte …)

+ ll 11 – 13 « Notre cœur est un instrument incomplet »

- chant triste, mais naturel è rappelle ces vers célèbres :« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux

J’en connais d’éternels qui sont de purs sanglots. » (Musset)

 

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8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 13:25

extrait de Renéde Chateaubriand ( XIXe siècle – romantisme )

 

 

 

Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives, que j'éprouvais dans mes promenades? Les sons que rendent lespassionsdans le vided'un coeur solitaireressemblent au murmure que les ventset les eauxfont entendre dans le silence d'un désert ; on en jouit, mais on ne peut les peindre.


L'automne me surprit au milieu de ces
incertitudes: j'entrai avec ravissementdans les mois destempêtes. Tantôt j'aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuageset des fantômes, tantôt j'enviais jusqu'au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l'humble feu de broussaillesqu'il avait allumé au coin d'un bois. J'écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l'homme est triste, lors même qu'il exprime le bonheur. Notre coeur est un instrument incomplet, une lyreoù il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur leton consacré aux soupirs.


Le jour je m'égarais sur de
grandes bruyères terminées par des forêts. Qu'il fallait peu de choses à ma rêverie! une feuille séchéeque le ventchassait devant moi, unecabanedont la fumées'élevait dans la cime dépouillée des arbres, la moussequi tremblait au souffle du nord sur le tronc d'un chêne, une rocheécartée, un étang désert où le joncflétri murmurait! Le clocher solitaire, s'élevant au loin dans la vallée, a souvent attiré mes regards; souvent j'ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats lointains où ils se rendent ; j'aurais voulu être sur leurs ailes. Un secret instinct me tourmentait; je sentais que je n'étais moi-même qu'un voyageur, mais une voix du ciel semblait me dire : "Homme, la saison de ta migration n'est pas encore venue ; attends que le ventde la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régionsinconnues que ton coeur demande."


"Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d'une autre vie !" Ainsi disant, je marchais à grands pas, le
visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon coeur.

 

Nature sentiments héros romantique

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8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 13:24

Extrait de René de Chateaubriand

Présentation : René, le personnage éponyme (qui ressemble à Chateaubriand) raconte sa vie au vieux Chactas : enfance triste dans le château paternel, avec sa sœur Amélie (proche de Lucile, la vrai sœur de François-René) ; voyages en Italie, Grèce, Angleterre. De retour en France, sa sœur l’évite, et va même jusqu’à se retirer au couvent (car elle l’aime … trop).

Solitude et ennui ; tenté par le suicide ; ne sait pas quoi faire de sa vie émigre en Amérique, adopté par la tribu des Natchez, y rencontre Chactas.

 récit autobiographique ( besoin de s’analyser et de se dire ; annonce les Mémoires d’Outre-Tombe)  illustre les ravages du « vague des passions » chez un jeune homme solitaire qui n’a pas l’appui de la religion analyse et exprime le mal-être de toute une génération (=> grand succès)

 

 

I/ Une forte présence de la nature , omniprésente dans le texte

 

- Monde civilisé s’oppose à l’idéal romantique : prive l’homme du contact avec la nature, source 1èrede son inspiration, lieu idéal où s’exprime pleinement son moi, communion avec le monde.

 

- plongée du héros dans un cadre naturel rythmé par les saisons ; saison préférée : l’automne => temps de la mélancolie, de la nostalgie, des tempêtes correspond au tourbillon des émotions ressenties par le héros romantique : inquiétude, désir vague et bouillant (un(e) ado, quoi !...), attente du destin, tourments du cœur

 

 sentiment de fusion avec ce type de nature (propice à la solitude : on ne sort pas dehors pendant une tempête ou une bourrasque, sauf quand on est Breton !...)

 

II / Plusieurs sentiments évoqués (registre lyrique)

 

- « foules de sensations fugitives » ; « incertitudes » ; sentiments difficiles à exprimer (par le personnage ; mais que l’écrivain exprime pourtant …)

- sentiment de bonheur (« ravissement ») ou se mêlent fureur guerrière et humilité du pâtre (adepte d’un bonheur simple et innocent)

- rêverie, appel du voyage, de l’exotisme ; tentation de l’inconnu

- sentiment de solitude non pas abattement, mais exaltation : sentiment de puissance physique (cf dernières lignes)

 

III / L’incarnation du héros romantique

 

- cœur solitaire, vide en apparence, mais passionné, exalté

- exalté au milieu d’une nature pourtant hostile pour tout autre homme (qui ne connait pas Guy Cotten)

- « visage enflammé », chevelure ébouriffée

- habité par des sentiments contradictoires (exaltation et mélancolie ; tourment et puissance ; triste bonheur)

- rêveur inspiré aux sentiments extrêmes

- être à part, qui puise sa vérité au fond de son cœur, dans un puissant rapport à l’intimité

- chant triste, mais naturel (« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux

J’en connais d’éternels qui sont de purs sanglots. » (Musset)

 

I/ Une forte présence de la nature

 

II / Plusieurs sentiments évoqués ( registre lyrique)

 

III / L’incarnation du héros romantique

 

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24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 19:46

TEXTE 1 : extrait d’Yvain ou le chevalier au lion de Chrétien de Troyes ( Moyen Âge)

 

« Et tu me redevroies dire  /  Quies hom tu es, et que tu quiers  /  - Je sui, fet il, uns chevaliers  /  Qui quier ce que trover ne puis ;
Assez ai quis, et rien ne truis. »

 

« - Mais toi à ton tour, dis moi donc quelle espèce d’homme tu es et ce que tu cherches.
- Je suis, comme tu vois, un chevalier qui cherche sans pouvoir trouver ; ma quête a été longue et elle est restée vaine.
- Et que voudrais-tu trouver ?
- L’aventure, pour éprouver ma vaillance et mon courage. Je te demande donc et te prie instamment de m’indiquer, si tu en connais, quelque aventure et quelque prodige.
- Pour cela, dit-il, il faudra t’en passer : je ne connais rien en fait d’aventure et jamais je n’en n’ai entendu parler. Mais si tu voulais aller près d’ici jusqu’à une fontaine, tu n’en reviendrais pas sans peine, à moins de lui rendre son dû. A deux pas tu trouveras tout de suite un sentier qui t’y mènera. Va tout droit devant toi, si tu ne veux pas gaspiller tes pas car tu pourrais vite t’égarer : il ne manque pas d’autres chemins. Tu verras la fontaine qui bouillonne, bien qu’elle soit plus froide que le marbre, et l’ombrage du plus bel arbre que Nature ait pu créer. En tout temps persiste son feuillage car nul hiver ne l’en peut priver. Il y pend un bassin de fer, au bout d’une chaîne si longue qu’elle descend jusque dans la fontaine. Près de la fontaine tu trouveras un bloc de pierre, de quel aspect tu le verras ; je ne saurais te le décrire, car jamais je n’en vis de tel ; et, de l’autre côté, une chapelle, petite mais très belle. Si avec le bassin tu veux prendre de l’eau et la répandre sur la pierre, alors tu verras une telle tempête que dans ce bois ne restera nulle bête, chevreuil ni cerf, ni daim ni sanglier, même les oiseaux s’en échapperont ; car tu verras tomber la foudre, les arbres se briser, la pluie s’abattre, mêlée de tonnerre et d’éclairs, avec une telle violence que, si tu peux y échapper sans grands dommage ni peine, tu auras meilleures chance que nul chevalier qui y soit jamais allé. »
Je quittai le vilain dès qu'il m'eut indiqué le chemin. Peut-être était-il tierce passée et l'on pouvait approcher de midi lorsque j'aperçus l'arbre et la fontaine. Je sais bien, quant à l'arbre, que c'était le plus beau pin qui jamais eût grandi sur terre. À mon avis, jamais il n’eût plu assez fort pour qu'une seule goutte d'eau le traversât, mais dessus glissait la pluie tout entière. À l'arbre je vis pendre le bassin, il était de l'or le plus fin qui ait encore jamais été à vendre en nulle foire. Quant à la fontaine, vous pouvez m'en croire, elle bouillonnait comme de l'eau chaude. La pierre était d'une seule émeraude, évidée comme un vase, soutenue par quatre rubis plus flamboyants et plus vermeils que n'est le matin au soleil quand il paraît à l'orient ; sur ma conscience, je ne vous mens pas d'un seul mot. Je décidai de voir le prodige de la tempête et de l'orage et je fis là une folie : j'y aurais renoncé volontiers, si j'avais pu, dès l'instant même où, avec l'eau du bassin, j'eus arrosé la pierre creusée. Mais j'en versai trop, je le crains ; car alors je vis dans le ciel de telles déchirures que de plus de quatorze points les éclairs me frappaient les yeux et les nuées, tout pêle-mêle, jetaient pluie, neige et grêle. La tempête était si terrible et si violente que cent fois je crus être tué par la foudre qui tombait autour de moi et par les arbres qui se brisaient.


TEXTE 2   :  extrait du Hussard sur le toit de Jean Giono (XXe siècle)

Un gros bonhomme, la redingote barrée par la bandoulière d’un fusil de chasse, sortit de la fortification.

- Halte ! dit-il. On ne passe pas. Nous ne voulons personne chez nous, vous entendez, personne ! Toute résistance est inutile.

Ces derniers mots réjouirent profondément Angelo et il continua d’avancer. Il y avait encore assez de jour pour qu’il pût suivre sur le visage blême, encadré de côtelettes cotonneuses, les progrès d’une terreur sans nom. L’homme rentra précipitamment dans sa place forte. Quatre ou cinq visages ébahis dépassèrent aussitôt de la crête de la barricade.

- Où allez-vous ? N’approchez pas, crièrent des voix mal assurées, qu’est-ce que vous venez faire ici ?

- On m’a vanté votre beauté, dit d’un air grave Angelo, qui retenait une porte envie de rire, et je viens m’en assurer sur place.

Cette réponse eut l’air de les effrayer encore plus que la présence réelle du cavalier.

« Ce sont des épiciers, et celui-là en redingote est un valet de chambre », se dit Angelo.

- Allons, vous devait être certainement un bon garçon, dit un gros visage gris, en faisant trembler ses bajoues.

- Je suis le plus mauvais garçon de la terre, dit Angelo. Et tous ceux qui m’ont fréquenté s’en sont rapidement aperçus. Roulez ces barriques et sortez-vous de là, que je passe. Sinon je saute et, gare à vous.

En même temps il faisait danser son cheval qui, fatigué, n’y mettait pas beaucoup de feu. Ces virevoltes et un petit hennissement de douleur car, tout à son amusement, Angelo donnait de bons coups sur la bride, portèrent cependant le désarroi dans la forteresse.

Les têtes disparurent. On braqua un canon de fusil.

« Ils sont en train de faire dans leurs culottes, se dit Angelo. Aidons-les. »

Il tira en l’air un coup de pistolet qui fit beaucoup bruit, puis il prit paisiblement par le travers, au flanc d’un coteau, sous les amandiers.

Dix minutes après il était dans les jardins, sous les murs de la ville. « Mon vieux, te voilà libre », dit Angelo au cheval.

 

TEXTE 3 : extrait de René de Chateaubriand  ( XIXe siècle – romantisme )


Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives, que j'éprouvais dans mes promenades ? Les sons que rendent les passions dans le vide d'un coeur solitaire ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d'un désert ; on en jouit, mais on ne peut les peindre.
L'automne me surprit au milieu de ces incertitudes : j'entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. Tantôt j'aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes, tantôt j'enviais jusqu'au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l'humble feu de broussailles qu'il avait allumé au coin d'un bois. J'écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l'homme est triste, lors même qu'il exprime le bonheur. Notre coeur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs.
Le jour je m'égarais sur de grandes bruyères terminées par des forêts. Qu'il fallait peu de choses à ma rêverie ! une feuille séchée que le vent chassait devant moi, une cabane dont la fumée s'élevait dans la cime dépouillée des arbres, la mousse qui tremblait au souffle du nord sur le tronc d'un chêne, une roche écartée, un étang désert où le jonc flétri murmurait ! Le clocher solitaire, s'élevant au loin dans la vallée, a souvent attiré mes regards; souvent j'ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats lointains où ils se rendent ; j'aurais voulu être sur leurs ailes. Un secret instinct me tourmentait; je sentais que je n'étais moi-même qu'un voyageur, mais une voix du ciel semblait me dire : "Homme, la saison de ta migration n'est pas encore venue ; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton coeur demande."
"Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d'une autre vie !" Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon coeur.

 

 

 

 

TEXTE 4 : extrait de Voyage au bout de la nuit de Céline ( XXe siècle – anti-héros )

 

De le voir ainsi cet ignoble cavalier dans une tenue aussi peu réglementaire, et tout foirant d’émotion, ça le courrouçait fort notre colonel. Il n’aimait pas cela du tout la peur. C’était évident. Et puis ce casque à la main surtout, comme un chapeau melon, achevait de faire joliment mal dans notre régiment d’attaque, un régiment qui s’élançait dans la guerre. Il avait l’air de la saluer lui, ce cavalier à pied, la guerre, en entrant.
Sous ce regard d’opprobre, le messager vacillant se remit au « garde-à-vous », les petits doigts sur la couture du pantalon, comme il se doit dans ces cas-là. Il oscillait ainsi, raidi, sur le talus, la transpiration lui coulant le long de la jugulaire, et ses mâchoires tremblaient si fort qu’il en poussait des petits cris avortés, tel un petit chien qui rêve. On ne pouvait démêler s’il voulait nous parler ou bien s’il pleurait.
Nos Allemands accroupis au fin bout de la route venaient justement de changer d’instrument. C’est à la mitrailleuse qu’ils poursuivaient à présent leurs sottises ; ils en craquaient comme de gros paquets d’allumettes et tout autour de nous venaient voler des essaims de balles rageuses, pointilleuses comme des guêpes.

L’homme arriva tout de même à sortir de sa bouche quelque chose d’articulé.

 

- Le maréchal des logis Barousse vient d’être tué, mon colonel, qu’il dit tout d’un trait.

- Et alors ?

- Il a été tué en allant chercher le fourgon à pain sur la route des Etrapes, mon colonel !

- Et alors ?

- Il a été éclaté par un obus !

- Et alors, nom de Dieu !

- Et voilà ! Mon colonel...

- C’est tout ?

- Oui, c’est tout, mon colonel.

- Et le pain ? demanda le colonel.

Ce fut la fin de ce dialogue parce que je me souviens bien qu’il a eu le temps de dire tout juste : « Et le pain ? ». Et puis ce fut tout. Après ça, rien que du feu et puis du bruit avec. Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu’il en existe. On en a eu tellement plein les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, tout de suite, du bruit, que je croyais bien que c’était fini, que j’étais devenu du feu et du bruit moi-même.
J’ai quitté ces lieux sans insister.
Et puis non, le feu est parti, le bruit est resté longtemps dans ma tête, et puis les bras et les jambes qui tremblaient comme si quelqu’un vous les secouait de par-derrière. Ils avaient l’air de me quitter, et puis ils me sont restés quand même mes membres. Dans la fumée qui piqua les yeux encore pendant longtemps, l’odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière.
Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal. Lui pourtant aussi il était mort. Je ne le vis plus, tout d’abord. C’est qu’il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l’explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s’embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours, mais le cavalier n’avait plus sa tête, rien qu’une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c’était arrivé. Tant pis pour lui ! S’il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé.

 

TEXTE 5 : extrait de La princesse de Clèves de Mme de La Fayette ( XVIIe siècle)

 

Catherine de Médicis

Cette princesse était belle, quoiqu'elle eût passé la première jeunesse ; elle aimait la grandeur, la magnificence et les plaisirs. Le roi l'avait épousée lorsqu'il était encore duc d'Orléans, et qu'il avait pour aîné le dauphin, qui mourut à Tournon, prince que sa naissance et ses grandes qualités destinaient à remplir dignement la place du roi François premier, son père.

L'humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner ; il semblait qu'elle souffrît sans peine l'attachement du roi pour la duchesse de Valentinois, et elle n'en témoignait aucune jalousie ; mais elle avait une si profonde dissimulation, qu'il était difficile de juger de ses sentiments, et la politique l'obligeait d'approcher cette duchesse de sa personne, afin d'en approcher aussi le roi. Ce prince aimait le commerce des femmes, même de celles dont il n'était pas amoureux : il demeurait tous les jours chez la reine à l'heure du cercle, où tout ce qu'il y avait de plus beau et de mieux fait, de l'un et de l'autre sexe, ne manquait pas de se trouver.

 

Mademoiselle de Chartres

Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l'avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme, qui est d'aimer son mari et d'en être aimée.
Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France ; et quoiqu'elle fût dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs mariages. Madame de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu'elle arriva, le vidame alla au-devant d'elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes.

 

 

 

TEXTE 6 : extrait de Le Rouge et le Noir de Stendhal  ( XIXe siècle)

 

   Voilà le dernier de mes jours qui commence, pensa Julien. Bientôt il se sentit enflammé par l'idée du devoir. Il avait dominé jusque-là son attendrissement et gardé sa résolution de ne point parler ; mais quand le président des assises lui demanda s'il avait quelque chose à ajouter, il se leva. Il voyait devant lui les yeux de madame Derville qui, aux lumières, lui semblèrent bien brillants. Pleurerait-elle, par hasard ? pensa-t-il.
     « Messieurs les jurés,
     « L'horreur du mépris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole. Messieurs, je n'ai point l'honneur d'appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s'est révolté contre la bassesse de sa fortune.
     « Je ne vous demande aucune grâce, continua Julien en affermissant sa voix. Je ne me fais point illusion, la mort m'attend : elle sera juste. J'ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages. Madame de Rênal avait été pour moi comme une mère. Mon crime est atroce, et il fut prémédité. J'ai donc mérité la mort, messieurs les jurés. Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s'arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société.
     « Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d'autant plus de sévérité, que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés... »
     Pendant vingt minutes, Julien parla sur ce ton ; il dit tout ce qu'il avait sur le cœur ; l'avocat général, qui aspirait aux faveurs de l'aristocratie, bondissait sur son siège ; mais malgré le tour un peu abstrait que Julien avait donné à la discussion, toutes les femmes fondaient en larmes.

 

TEXTE 7 : extrait de La Modification de Michel Butor (XXe siècle – Nouveau Roman)

 

Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant.

Vous vous introduisez par l'étroite ouverture en vous frottant contre ses bords, puis, votre valise couverte de granuleux cuir sombre couleur d'épaisse bouteille, votre valise assez petite d'homme habitué aux longs voyages, vous l'arrachez par sa poignée collante, avec vos doigts qui se sont échauffés, si peu lourde qu'elle soit, de l'avoir portée jusqu'ici, vous la soulevez et vous sentez vos muscles et vos tendons se dessiner non seulement dans vos phalanges, dans votre paume, votre poignet et votre bras, mais dans votre épaule aussi, dans toute la moitié du dos et dans vos vertèbres depuis votre cou jusqu'aux reins.

Non, ce n'est pas seulement l'heure, à peine matinale, qui est responsable de cette faiblesse inhabituelle, c'est déjà l'âge qui cherche à vous convaincre de sa domination sur votre corps, et pourtant, vous venez seulement d'atteindre les quarante-cinq ans.

Vos yeux sont mal ouverts, comme voilés de fumée légère, vos paupières sensibles et mal lubrifiées, vos tempes crispées, à la peau tendue et comme raidie en plis minces, vos cheveux qui se clairsèment et grisonnent, insensiblement pour autrui mais non pour vous, pour Henriette et pour Cécile, ni même pour les enfants désormais, sont un peu hérissés et tout votre corps à l'intérieur de vos habits qui le gênent, le serrent et lui pèsent, est comme baigné, dans son réveil imparfait, d'une eau agitée et gazeuse pleine d'animalcules en suspension.

Si vous êtes entré dans ce compartiment, c'est que le coin couloir face à la marche à votre gauche est libre, cette place même que vous auriez fait demandé par Marnal comme à l'habitude s'il avait été encore temps de retenir, mais non que vous auriez demandé vous-même par téléphone, car il ne fallait pas que quelqu'un sût chez Scabelli que c'était vers Rome que vous vous échappiez pour ces quelques jours.

 

TEXTE 8 :  extrait du Cousin Pons de Balzac (XIXe siècle )

 

Spécimen de portier (mâle et femelle)

La rue de Normandie est une de ces rues au milieu desquelles ont peut se croire en province: l'herbe y fleurit, un passant y fait événement, et tout le monde s'y connaît. Les maisons datent de l'époque où, sous Henri IV, on entreprit un quartier dont chaque rue portât le s nom d'une province, et au centre duquel devait se trouver une belle place dédiée à la France. L'idée du quartier de l'Europe fur la répétition de ce plan. Le monde se répète en toute chose partout, même en spéculation. La maison où demeuraient les deux musiciens est un ancien hôtel entre cour et jardin; mais le devant, sur la rue, avait été bâti lors de la vogue excessive dont a joui le Marais durant le dernier siècle. Les deux amis occupaient tout le deuxième étage dans l'ancien hôtel. Cette double maison appartenait à monsieur Pillerault, un octogénaire qui en laissait la gestion à monsieur et madame Cibot, ses portiers depuis vingt-six ans. Or, comme on ne donne pas des émoluments assez forts à un portier du Marais, pour qu'il puisse vivre de sa loge, le sieur Cibot joignait à son sou pour livre et à sa bûche prélevée sur chaque voie de bois, les ressources de son industrie personnelle; il était tailleur, comme beaucoup de concierges. Avec le temps, Cibot avait cessé de travailler pour les maîtres tailleurs; car, par suite de la confiance que lui accordait la petite bourgeoisie du quartier, il jouissait du privilège inattaqué de faire les raccommodages, les reprises perdues, les mises à neuf de tous les habits dans un périmètre de trois rues. La loge était vaste et saine, il y attenait une chambre. Aussi le ménage Cibot passait-il pour un des plus heureux parmi messieurs les concierges de l'arrondissement.

Cibot, petit homme rabougri, devenu presque olivâtre à force de rester toujours assis, à la turque, sur une table élevée à la hauteur de la croisée grillagée qui voyait sur la rue, gagnait à son métier environ quarante sous par jour. Il travaillait encore, quoiqu'il eût cinquante huit ans; mais cinquante-huit ans, c'est le plus bel âge des portiers; ils se sont faits à leur loge, la loge est devenue pour eux ce qu'est l'écaille pour les huîtres, et ils sont connus dans le quartier!

Madame Cibot, ancienne belle écaillère, avait quitté son poste au Cadran-Bleu par amour pour Cibot, à l'âge de vingt-huit ans, après toutes les aventures qu'une belle écaillère rencontre sans les chercher. La beauté des femmes du peuple dure peu, surtout quand elles restent en espalier à la porte d'un restaurant. Les chauds rayons de la cuisine se projettent sur les traits qui durcissent, les restes de bouteilles bus en compagnie des garçons s'infiltrent dans le teint, et nulle fleur ne mûrit plus vite que celle d'une belle écaillère. Heureusement pour madame Cibot, le mariage légitime et la vie de concierge arrivèrent à temps pour la conserver; elle demeura comme un modèle de Rubens, en gardant une beauté virile que ses rivales de la rue de Normandie calomniaient, en la qualifiant de grosse dondon. Ses tons de chair pouvaient se comparer aux appétissants glacis des mottes de beurre d'Isigny ; et nonobstant son embonpoint, elle déployait une incomparable agilité dans ses fonctions. Madame Cibot atteignait à l'âge où ces sortes de femmes sont obligées de se faire la barbe. N'est-ce pas dire qu'elle avait quarante-huit ans ? Une portière à moustaches est une des plus grandes garanties d'ordre et de sécurité pour un propriétaire. Si Delacroix avait pu voir madame Cibot posée fièrement sur son balai, certes il en eût fait une Bellone !

 

 

 

TEXTE 9 : extrait des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos (XVIIIe siècle)

 

Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j’étais vouée par état au silence & à l’inaction, j’ai su en profiter pour observer & réfléchir. Tandis qu’on me croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu’on s’empressait de me tenir, je recueillais avec soin ceux qu’on cherchait à me cacher.

Cette utile curiosité, en servant à m’instruire, m’apprit encore à dissimuler : forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux qui m’entouraient, j’essayai de guider les miens à mon gré ; j’obtins dès lors de prendre à volonté ce regard distrait que depuis vous avez loué si souvent. Encouragée par ce premier succès, je tâchai de régler de même les divers mouvements de ma figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m’étudiais à prendre l’air de la sécurité, même celui de la joie ; j’ai porté le zèle jusqu’à me causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l’expression du plaisir. Je me suis travaillée avec le même soin & plus de peine pour réprimer les symptômes d’une joie inattendue. C’est ainsi que j’ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné.

J’étais bien jeune encore, & presque sans intérêt : mais je n’avais à moi que ma pensée, & je m’indignais qu’on pût me la ravir ou me la surprendre contre ma volonté. Munie de ces premières armes, j’en essayai l’usage : non contente de ne plus me laisser pénétrer, je m’amusais à me montrer sous des formes différentes ; sûre de mes gestes, j’observais mes discours ; je réglais les uns & les autres, suivant les circonstances, ou même seulement suivant mes fantaisies : dès ce moment, ma façon de penser fut pour moi seule, & je ne montrai plus que celle qu’il m’était utile de laisser voir.

Ce travail sur moi-même avait fixé mon attention sur l’expression des figures & le caractère des physionomies ; & j’y gagnai ce coup d’oeil pénétrant, auquel l’expérience m’a pourtant appris à ne pas me fier entièrement ; mais qui, en tout, m’a rarement trompée.

Je n’avais pas quinze ans, je possédais déjà les talents auxquels la plus grande partie de nos politiques doivent leur réputation, & je ne me trouvais encore qu’aux premiers éléments de la science que je voulais acquérir.

 

TEXTE 10 : extrait d’À la recherche du temps perdu de Proust (XXe siècle)

 

Un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle? Que signifiait-elle? Où l’appréhender? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact, à ma disposition, tout à l’heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité; Mais comment? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher? pas seulement: créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière. (...)
    Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés depuis si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des autres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.

 

TEXTE 11 : extrait de L’Espoir d’André Malraux (XXe siècle)

 

Le soir sans soleil couchant et sans autre vie que celle du feu, comme si Madrid eût été portée par une planète morte, faisait de cette fin de journée un retour aux éléments. Tout ce qui était humain disparaissait dans la brume de novembre crevée d'obus et roussie de flammes.
 Une gerbe flamboyante fit éclater un petit toit dont Shade s'étonnait qu'il eût pu la cacher; les flammes, au lieu de monter, descendirent le long de la maison qu'elles brûlèrent en remontant jusqu'au faîte. Comme dans un feu d'artifice bien ordonné, à la fin de l'incendie des tourbillons d'étincelles traversèrent la brume : un vol de flammèches obligea les journalistes à se baisser. Quand l'incendie rejoignait les maisons déjà brûlées, il les éclairait par derrière, fantomatiques et funèbres, et demeurait longtemps à rôder derrière leurs lignes de ruines. Un crépuscule sinistre se levait sur l'Age du Feu. Les trois plus grands hôpitaux brûlaient. L'hôtel Savoy brûlait. Des églises brûlaient, des musées brûlaient, la Bibliothèque Nationale brûlait, le Ministère de l'Intérieur brûlait, une halle brûlait, les petits marchés de planches flambaient, les maisons s'écroulaient dans des envolées d'étincelles, deux quartiers striés de longs murs noirs rougeoyaient comme des grils sur des braises; avec une solennelle lenteur, mais avec la rageuse ténacité du feu, par l'Atocha, par la rue de Léon, tout cela avançait vers le centre, vers la Puerta del Sol, qui brûlait aussi.
 C'est le premier jour..., pensa Shade.
 Les volées d'obus tombaient maintenant plus à gauche. Et du fond de la Gran Via que Shade surplombait et voyait mal, commença à monter, couvrant parfois la cloche des ambulances qui descendaient sans arrêt la rue, un son de litanies1 barbares. Shade écoutait de toute son attention ce son venu de très loin dans le temps, sauvagement accordé au monde du feu : il semblait qu'après une phrase périodiquement prononcée, la rue entière, en manière de répons2, imitât le battement des tambours funèbres : Dong-tongon-dong.
 Enfin Shade, plus qu'il ne comprit, devina, car il avait entendu le même rythme un mois plus tôt : en réponse à une phrase qu'il n'entendait pas, le bruit de tambour humain scandait : no pasaran3. Shade avait vu la Pasionaria4, noire, austère, veuve de tous les tués des Asturies, conduire dans une procession grave et farouche, sous des banderoles rouges qui portaient sa phrase fameuse « Il vaut mieux être la veuve d'un héros que la femme d'un lâche », vingt mille femmes qui, en réponse à une phrase indistincte, scandaient le même no pasaran; il en avait été moins ému que de cette foule bien moins nombreuse, mais invisible, dont l'acharnement dans le courage montait vers lui à travers la fumée des incendies.

 

 

TEXTE 12 : extrait de Mme Bovary de Flaubert (XIXe siècle) 

 

Paris, plus vague que l’Océan, miroitait donc aux yeux d’Emma dans une atmosphère vermeille. La vie nombreuse qui s’agitait en ce tumulte y était cependant divisée par parties, classée en tableaux distincts. Emma n’en apercevait que deux ou trois qui lui cachaient tous les autres, et représentaient à eux seuls l’humanité complète. Le monde des ambassadeurs marchait sur des parquets luisants, dans des salons lambrissés de miroirs, autour de tables ovales couvertes d’un tapis de velours à crépines d’or. Il y avait là des robes à queue, de grands mystères, des angoisses dissimulées sous des sourires. Venait ensuite la société des duchesses ; on y était pâle ; on se levait à quatre heures ; les femmes, pauvres anges ! portaient du point d’Angleterre au bas de leur jupon, et les hommes, capacités méconnues sous des dehors futiles, crevaient leurs chevaux par partie de plaisir, allaient passer à Bade la saison d’été, et, vers la quarantaine enfin, épousaient des héritières. Dans les cabinets de restaurant où l’on soupe après minuit riait, à la clarté des bougies, la foule bigarrée des gens de lettres et des actrices. Ils étaient, ceux-là, prodigues comme des rois, pleins d’ambitions idéales et de délires fantastiques. C’était une existence au-dessus des autres, entre ciel et terre, dans les orages, quelque chose de sublime. Quant au reste du monde, il était perdu, sans place précise, et comme n’existant pas. Plus les choses, d’ailleurs, étaient voisines, plus sa pensée s’en détournait. Tout ce qui l’entourait immédiatement, campagne ennuyeuse, petits bourgeois imbéciles, médiocrité de l’existence, lui semblait une exception dans le monde, un hasard particulier où elle se trouvait prise, tandis qu’au delà s’étendait à perte de vue l’immense pays des félicités et des passions. Elle confondait, dans son désir, les sensualités du luxe avec les joies du cœur, l’élégance des habitudes et les délicatesses du sentiment. Ne fallait-il pas à l’amour, comme aux plantes indiennes, des terrains préparés, une température particulière ? Les soupirs au clair de lune, les longues étreintes, les larmes qui coulent sur les mains qu’on abandonne, toutes les fièvres de la chair et les langueurs de la tendresse ne se séparaient donc pas du balcon des grands châteaux qui sont pleins de loisirs, d’un boudoir à stores de soie avec un tapis bien épais, des jardinières remplies, un lit monté sur une estrade, ni du scintillement des pierres précieuses et des aiguillettes de la livrée. (…)

Au fond de son âme, cependant, elle attendait un événement. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l'horizon. Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusqu'à elle, vers quel rivage il la mènerait, s'il était chaloupe ou vaisseau à trois ponts, chargé d'angoisses ou plein de félicités jusqu'aux sabords. Mais, chaque matin, à son réveil, elle l'espérait pour la journée, et elle écoutait tous les bruits, se levait en sursaut, s'étonnait qu'il ne vînt pas ; puis, au coucher du soleil, toujours plus triste, désirait être au lendemain.

      Le printemps reparut. Elle eut des étouffements aux premières chaleurs, quand les poiriers fleurirent.
      Dès le commencement de juillet, elle compta sur ses doigts combien de semaines lui restaient pour arriver au mois d'octobre, pensant que le marquis d'Andervilliers, peut-être, donnerait encore un bal à la Vaubyessard. Mais tout septembre s'écoula sans lettres ni visites.
      Après l'ennui de cette déception, son coeur de nouveau resta vide, et alors la série des mêmes journées recommença.
      Elles allaient donc maintenant se suivre ainsi à la file, toujours pareilles, innombrables, et n'apportant rien ! Les autres existences, si plates qu'elles fussent, avaient du moins la chance d'un événement. Une aventure amenait parfois des péripéties à l'infini, et le décor changeait. Mais, pour elle, rien n'arrivait, Dieu l'avait voulu ! L'avenir était un corridor tout noir, et qui avait au fond sa porte bien fermée.
      Elle abandonna la musique. Pourquoi jouer ? qui l'entendrait ? Puisqu'elle ne pourrait jamais, en robe de velours à manches courtes, sur un piano d'Érard, dans un concert, battant de ses doigts légers les touches d'ivoire, sentir, comme une brise, circuler autour d'elle un murmure d'extase, ce n'était pas la peine de s'ennuyer à étudier. Elle laissa dans l'armoire ses cartons à dessin et la tapisserie. À quoi bon ? à quoi bon ? La couture l'irritait.
      – J'ai tout lu, se disait-elle.
      Et elle restait à faire rougir les pincettes, ou regardant la pluie tomber.

 

 

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9 octobre 2009 5 09 /10 /octobre /2009 20:58

analyser un Incipit 

( source  :  http://bflettres.e-monsite.com/ )

ANALYSER UN DÉBUT DE ROMAN

 

Le Paratexte

La période

Correspond-t-elle à un mouvement littéraire connu ?

A un contexte historique connu ?

L’auteur

Éléments éventuellement connus ?

Le titre

Sens dénotatif ? connotatif ? Il est « emblématique » et porte le sens de l’œuvre.

L’aspect

La mise en page indique-t-elle des particularités d’écriture ?

La fonction informative

Qui ?

Les personnages sont-ils présentés ?

Quoi ?

L’action ou le sujet du roman sont-ils présentés.

Où ?

Quelles informations sur le cadre spatio-temporel ?

Quand ?

=> En quoi la première page remplit ou non sa fonction de présentation ?

L’énonciation

Qui Parle ?

Quel est le statut du narrateur ? Quel point de vue narratif ?

Le narrateur est-il présent ? (Je) Point de vue interne ?

Entend-on la voix de l’auteur ? Omniscience ?

Récit à la troisième personne ? Auteur hors récit mais omniscient ? ou point de vue externe ?

Auteur = narrateur = personnage ? Autobiographie

Etc.

Quand ?

Où ?

Peut-on faire un lien entre le moment de l’écriture et le moment de l’action ?

A qui et pourquoi ?

Y a-t-il une adresse au lecteur ? Dans quel but ?

Accroches de lecture ?

Le début de l’action ?

A quel moment de l’action le récit commence-t-il ? Présente-t-il la genèse de l’histoire ? Commence-t-il au cœur de l’action ? (in media res) ? Commence-t-il par la fin ? Commence-t-il hors de l’action ?

Singularité de l’incipit ?

La première page devant donner envie de poursuivre, quelle stratégie d’écriture l’auteur a-t-il menée choisie pour capter son lecteur ?

 

 

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