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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 12:28

LECTURE ANALYTIQUE N°5 : Lettre XII des Lettres Persanes

Lettres persanes : 2 persans, Usbek et Rica, partis de leur pays pour visiter la France, échangent une correspondance avec leurs amis restés en Perse. Le regard étonné que ces étrangers portent sur les mœurs occidentales permet à M. d'établir une distance ironique et d'ébranler les certitudes de ses contemporains.

Les troglodytes : dans Les lettres persanes, M. intègre une fable à valeur morale (apologue). Pour démontrer à son ami Mirza le nécessité de la justice et de la vertu, Usbek lui raconte l'histoire d'un peuple imaginaire, les Troglodytes, conduit à sa perte parce qu'il vivait dans l'égoïsme. Seules ont subsisté 2 familles vertueuses qui ont décidé d'organiser une nouvelle société qu'Usbek présente comme un modèle.

PBK : En quoi ce texte est-il un apologue ?

Plan : 1) le caractère mythique du récit ;

2) L’éloge des bons Troglodytes ( = « bons sauvages » ;

3) La portée morale (sociale, religieuse, politique) du récit : le collectif contre l’individuel è visée didactique

1) Le caractère mythique du récit : étude du cadre spatio-temporel + référence à la mythologie antique (l’Age d’Or et la pastorale virgilienne)

+

A) LE TEMPS

Le récit des Troglodytes est introduit par une formule proche de celle des contes : « Il y avait en Arabie » (lettre XI) et « il y avait dans ce pays » (lettre XII, ll.2-3) => passé lointain indéterminé

Þ degré zéro de l’histoire : tps de l’origine (« qui descendaient de ces anciens Troglodytes » - lettre XI) [ = illud tempus] puis passage d’une génaration de Troglodytes (mauvaise ; lettre XI) à une autre (bonne ; lettre XII), par l’intermédiaire de deux familles => proche du mythe antique de l’Age d’Or (cf hist de Chronos-Saturne).

Passage entre deux génération également marqué par l’emploi des tps verbaux :

  • passé simple = première génération : « périrent » (l.1) « furent les victimes » (l.1) ; « il n’en resta » (l.2)
  • presque tt le reste du récit est composé d’imparfait à valeur descriptive (et durative), sf ll. 14-17 : au moment où s’établit réellement la seconde génération ; ll. 18-21 : moment où s’institue la (nouvelle) religion
  • passé simple pour mentionner des événements définitifs (déchéance des 1ers Troglo) ou nouveaux. Imparfait, qd il s’agit d’étendre dans la durée un moment de bonheur idéal.
  1. L'ESPACE

Le lieu est également peu déterminé (« en Arabie » lettre XI ; sans doute parce que c’est un Persan –musulman- qui est censé raconter / écrire ; repris par « ce pays », lettre XII, l.3).

Le fait que les deux bons Troglo vivent « dans l’endroit du pays le plus écarté » (l. 7) semble justifier qu’ils « échappèrent aux malheurs de la Nation » (l. 2).

+ dimension à la fois symbolique et mythique du lieu : cadre pastoral (reprend le thème antique des Bucoliques de Virgile : bonheur simple des paysans et bergers près de la nature –sauvage ; harmonie entre les hommes et les animaux ; cf paradis perdu biblique)

  • champ lexical : « troupeaux » (l. 32) ; « prairie » (id) ; « bœufs » (id) ; « charrue » (id) ; « troupeaux » (l. 40)

= la seule activité humaine mentionnée est l’agriculture : « la terre semblait produire d’elle-même » (l.8)

  • « délice de la vie champêtre » (l. 36) ; « musique champêtre » (l. 22)

+ « jeunes filles ornées de fleurs » (l. 21) ; « fêtes en l’honneur des dieux » (l. 21) = rites simples ; « festins » joyeux (l. 22) ;

+ cadre idyllique ( à l’origine idylle = petit poème ou petite pièce à sujet pastoral et généralement amoureux ; XIX ème siècle : petite aventure amoureuse naïve et tendre, généralement chaste) : cf ll. 23-26.

Bonheur simple et chaste lié à la « nature naïve » (l. 23) => référence à la fois à la pastorale antique et au mythe du bon sauvage

2) L’éloge des bons Troglodytes (= bons sauvages)

. nature : deux sens : concret : « la nature ne fournissait pas moins … » (l. 38) ; abstrait : nature humaine : « nature naïve » (l. 23)

  • A/ LA VERTU comme principe de base

Nbses répétitions du terme

- ils aimaient la vertu (4)

  • La terre semblait produire d'elle-même, cultivée par ces vertueuses mains (10)
  • Toute leur attention était d'élever leurs enfants à la vertu.(12)
  • que la vertu n’est point une chose qui doive nous coûter ; qu’il ne faut point la regarder comme un exercice pénible (15)
  • Ils eurent bientôt la consolation des pères vertueux qui est d'avoir des enfants qui leur ressemblent. (17)
    - la vertu, bien loin de s’affaiblir dans la multitude, fut fortifiée, au contraire, par un plus grand nombre d’exemples. (19)

- la vertu renaissante avec un nouveau peuple et sa félicité (36)

Vertu individuelle et exemplaire => bonheur collectif

Vertu des deux patriarches = droiture du cœur

= humanité, pitié

= justice

= sollicitude commune

conséquence immédiate => ils menaient une vie heureuse et tranquille

. bonheur omniprésent : « heureux mariages » (l 15) ; « bonheur de ces Troglodytes » (l. 18) => question emphatique ; « joie » (l. 22) ; « rendre un Troglo heureux » (l. 31) ; « bonheur d’une condition toujours parée de l’innocence » (l. 36) ; « pays heureux » (l. 38)

Image d'une société simple et innocente, sereine et apaisée

  • atmosphère champêtre : les thèmes sont d'ailleurs bucoliques, idylliques (amour et nature champêtre) car la vie reste proche de la nature, naïveté et innocence Þ tableaux champêtres hérités d'une littérature latine (Virgile et Lucrèce)
  • simplicité et frugalité (= aliments, nourriture simples)

On faisait ensuite des festins où la joie ne régnait pas moins que la frugalité (ll. 22-23)

La nature ne fournissait pas moins à leurs désirs qu'à leurs besoins (l. 38)

  • Litote : significative du contentement, nécessité (vs superflu, abondance : « pas de richesses et une onéreuse abondance : de pareils souhaits étaient indignes des heureux Troglodytes » (ll. 27-28)

B) LA RECIPROCITE, sens du partage est à la base de tout.

« la cupidité était étrangère » (ll. 38-39) ; + l. 39

« troupeaux presque toujours confondus » (l. 40) + sqq

  • « Le peuple troglodyte se regardait comme une seule famille » (ll. 39-40)

+ charité et compassion également présentes dans leurs prières : ll. 29-31.

C) LA RELIGION = apport fondamental qui vient compléter une (parfaite) pratique de la vertu

la Religion vint adoucir dans les moeurs ce que la Nature y avait laissé de trop rude ((ll. 19-20)

  • conforte la tendance naturelle à la vertu, ajoute de l'humanité

Usbek / Montesquieu explique que les biens que l'on peut demander pour soi au ciel ne peuvent être des biens matériels mais des biens spirituels : ce n’était pas les richesses et une onéreuse abondance : de pareils souhaits étaient indignes des heureux Troglodytes (28-29) ; Ils n'étaient au pied des autels que pour demander la santé de leurs pères, l'union de leurs frères, la tendresse de leurs femmes, l'amour et l'obéissance de leurs enfants (30-32)

Eloge d'une religiosité simple, en relation directe avec Dieu

C'était dans ces assemblées que parlait la Nature naïve.

=> atmosphère de fête empreinte de religiosité (célébraient)

=> atmosphère artistique : art non coupé de la vie (danse/musique/chant)

  • liens profonds entre nature, bonheur et religion

« Un peuple si juste devait être chéri des dieux » (l. 18)

=> Pratique de la vertu considérée récompensée (par la nature, qui prend elle-même un caractère divin)

3) La portée morale (sociale, politique et religieuse) : l’intérêt collectif doit surpasser l’intérêt individuel.

Apologue = récit à visée didactique (cf. morale) => apologie de la vertu (et de la justice sociale)

Un nouveau monde se construit sur les débris de l’ancien, l'ancien monde est un repoussoir

Þ méchanceté et injustices (l. 1 et 2) vs bonté ; cf description des 2 bons Troglo : énumérations des vertus requises pour faire émerger une société parfaite : humanité (l. 3) ; sens de la « justice » (id) ; amour de la « vertu » (l. 4) ; « droiture de coeur » vs corruption (l. 4) ; compassion = « pitié pour la désolation générale » (ll. 4-5) ; « douce et tendre amitié » (l. 6)

  • récompensé : « La terre semblait produire d’elle-même, cultivée par de vertueuses mains » (l.8)
  • vs punition des méchants : « les troglodytes périrent par leur méchanceté et furent les victimes de leurs propres injustices (1-2) »

ils chantaient les injustices des premiers troglodytes et leurs malheurs (35-36)

là encore, morale liée à religion : « faveurs (des dieux) toujours présentes aux hommes qui les implorent » (ll. 34-35) vs « colère inévitable à ceux qui ne les craignent pas » (l. 35)

Génération nouvelle : « vertu renaissante avec un nouveau peuple » (l. 34) = nvx liens familiaux : l. 9 : amour réciproque homme-femme ; id : souci de l’éducation des enfants => « consolation des pères vertueux » = émergence d’une « union nvelle » (l. 5) « jeune peuple » (ll. 14-15) bon et heureux, car il suit les conseils des anciens (transmission des vertus)

=> cf enseignement des 2 bons Troglo (= Usbek / M.) à la génération future (= Mirza / lecteurs ) : préceptes moraux. Trois aphorismes (formule, maxime, précepte, sentence) :

  1. « l’intérêt des particuliers se trouve toujours dans l’intérêt commun » (ll. 11-12)

Une redondance souligne l'origine véritable de leur bonheur : sollicitude commune pour l'intérêt commun

2) « la vertu n’est point une chose qui doive nous coûter » (l. 12)

3) « La justice pour autrui est une charité pour nous » (l. 13)

CONCLUSION

Au lieu de développer une réflexion philosophique et politique sérieuses qui risquerait de lasser son lecteur pour défendre ses idées (pratiques de la vertu et de la justice dans la société), Montesquieu utilise une « petite histoire plaisante », inspirée du mythe antique de l’Age d’Or et du mythe (plus moderne) du bon sauvage, en confrontant deux générations successives : l’une n’ayant pour règle que l’égoïsme, ce qui la mène inévitablement à sa perte, l’autre portée vers l’altruisme, le respect « simple et naïf » envers (les) dieu(x) et la Nature.

Les thèmes de la loi et de la vertu, relatives à chq peuple / civilisation sont chers à M, puisqu’il les reprendra dans son autre chef d’œuvre, l’Esprit des lois.

Il est d’autre part intéressant de constater que la description utopique des Troglodytes se situe au début des Lettres Persanes, œuvre épistolaire qui peut être considérée elle-même comme un vaste apologue : M expose ses idées (de nature politique et sociale) à travers les lettres que sont censées s’échanger des persans visitant l’Occ et leurs amis restés à Ispahan.

On comprend que ce procédé permet à M d’établir des comparaisons entre les mœurs persanes et les mœurs européennes, comportant chacune des qualités et des défauts, tandis que l’apologue des Troglodytes servirait de référence ultime, puisque les deux générations représentent respectivement le paroxysme de la méchanceté et un modèle de vertu.

Mais M n’est pas dupe et ne cherche pas à tromper son lecteur : c’est pourquoi le monde parfait, tel qu’il en fait l’apologie, est présenté à partir d’un mythe, d’une histoire imaginaire. Mais s’il ce monde n’existe pas, il n’est pas impossible de s’y référer comme un modèle. C’est bien là la fonction même du mythe : même si l’on sait que l’histoire qu’il contient est iréelle, il contient une vérité morale qui ne devrait pas nous laisser indifférents.

"La vertu" dans L'esprit des lois (IV, 5)

La vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible. On peut définir cette vertu, l’amour des lois et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières; elles ne sont que cette préférence.

Pour Montesquieu les principes des gouvernements sont les suivants : la vertu pour la république ; l’honneur pour la monarchie ;la crainte pour le despotisme

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8 janvier 2014 3 08 /01 /janvier /2014 18:23

-- LECTURE ANALYTIQUE - extrait de La controverse de Valladolid

è Un débat d’idées propice à la délibération

I/ Au cœur du débat

II / Un dialogue éristique

III / Une remise en cause de l’ethnocentrisme

I/ Au cœur du débat

- dialogue : nombreux tirets ; vbs de parole (ll 3, 6, 10, etc …) ; qqs passages narratifs (ll 4-5 ; 26-27 ; 32 è pour préciser certaines attitudes (« saisit le 1er feuillet » (4-5) ) ou pensées ( « Tout cela ne le surprend pas » (32) )

- 3 personnages en présence : Sépulvéda (l 4) ; le prélat, légat du Pape (l. 3) et Las Casas (l. 10)

- Sépulvéda, philosophe (fait réf à Aristote ; l. 2), annonce la thèse qu’il va développer : l. 1 ; Las Casas la réfute (ll 10 sqq) ; le légat arbitre (ll 49-50), mais intervient aussi pour recentrer le débat (ll 23-25).

- Si chacun est censé prendre la parole tout à tour, l’échange est plutôt vif : bcp de « ! » ou de « ? » dans les répliques de Las Casas è émotion présente. (plutôt persuasif).

- Le discours de Sépulvéda est plus méthodique, organisé, énoncé froidement : « il a préparé tout un dossier » (4) ; « commence une lecture à voix plate » (26) è cherche plutôt à convaincre = laisse croire que ce qu’il dit relève d’une Vérité « indiscutable » (26-27)

II / Un dialogue éristique

- C’est Sépulvéda qui semble mener le débat : le 1er a énoncé sa thèse ; la dvp – Las Casas la réfute point par point è 2 avis totalement opposés qui, ici, se répondent « du tac au tac ».

- 1er argt de Sépulvéda : Inidiens copieurs è serviles. Las Casas répond par un contre-argument (faux prétexte d’envahisseurs), un exemple (César et la Gaule) [= déductif] et conclut par une analogie (« nous faisons de même » (15) )

- Sépulvéda en vient à énumérer tt ce qui est, selon lui, caractéristique des êtres inférieurs (ll 28-31 puis 33-36) : ignorent la technologie (28), travaillent et mangent comme des animaux (28-29), ont mauvais goût et sont hérétiques (30-31) ; innocents (33), polygames (33-35) ; manquent de bravoure (35) et ignorent la valeur de l’argent et de l’or (35-36) è causes certaines de stupidité, selon Sépulvéda (dossier à charge)

- Las Casas répond point par point : contre-arguments : inverse l’argt concernant le mépris de l’or (37-38), en fait autant pour la nourriture (40-41) , vante leur agriculture (45-46), explique pq ils n’utilisent pas d’animaux domestiques (46-47) et remet en cause la notion de goût (« grossier ») (48)

et contre-exemples (ex : « œufs de fourmi et tripes d’oiseau » (42) vs « tripes de porc et escargots » (43)

III / Une remise en cause de l’ethnocentrisme

- passage important : « attentif à cette argumentation nouvelle » (17) : ll. 19-20 (è rappelle le texte de Montaigne : la controverse lui est contemporaine …) + « ensorcelés » (19) = terme fort (pour un prélat)

- Las Casas remet +sieurs fois en cause l’ethnocentrisme (visée critique) à l’aide de questions : l. 38 ; l. 41 ; l. 48.

- Laisse même entendre que Sépulvéda peut lui aussi être ignorant sur certains points, et s’en amuse : « ne vous a-t-on pas appris » (45) ; « ignorez-vous que … » (47) è l’ignorance n’est pas d’un seul côté ; les valeurs ne sont pas les mêmes pour tous.

Paradoxe : dans ce débat, l’homme d’église se fait moins dogmatique que le philosophe. Il ne cherche pas à imposer sa Vérité, et ne fait pas de ses valeurs des lois universelles.

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8 janvier 2014 3 08 /01 /janvier /2014 18:21

L A de l’extrait des « Coches », dans Les Essais de Montaigne

(p 312 du manuel)

( Montaigne a dû s’inspirer des témoignages directs des 1ers explorateurs de l’Amérique (dont Colomb) (lectures) + d’autres personnes qui ont fait le voyage outre-Atlantique (échanges de propos) + le Requerimiento (texte officiel faisant office de loi) + sa rencontre avec des Indiens à Caen en 1562

è Il cherche à confronter 2 cultures (points de vue / discours) différents. Le dialogue qui se met en place est (plus ou moins) INVENTÉ par Montaigne.

1) Les propos des Espagnols : inspirés de la réalité ; 2) Les propos des Indiens, qu’il imagine (è les propos qu’il aurait aimé les voir tenir ; il leur donne, en quelque sorte, un droit de réponse et remet en cause, par la même occasion, l’idée qu’il sont naïfs).

Pbtk : Comment Montaigne met en scène un dialogue pour mieux critiquer l’attitude des Espagnols ?

I / Une mise en scène de discours et de rencontre

II / Les propos des conquérants (Espagnols)

III / Les réponses pertinentes des Indiens : remise en cause des Européens

I / Une mise en scène de discours et de rencontre

  1. Une scène de rencontre : narration d’une rencontre (contexte)

Pas de détails sur les circonstances spatio-temporelles (« le long des côtes) + « déclarations habituelles »

  1. Un dialogue réparti en 2 blocs déséquilibrés
  1. Une mise en scène

II / Les propos des conquérants (Espagnols)

  1. Réf à 2 autorités + « logique féodale » (fermage)
  2. Ce qu’ils réclament
  3. La religion

III / Les réponses pertinentes des Indiens : remise en cause des Européens

  1. Une réfutation très construite
  2. Une critique et une remise en cause …
  3. … Derrière laquelle apparaît l’auteur lui-même
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